La pression s’accentue sur Theresa May
À 46 jours de la sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne, Bruxelles a pressé Londres lundi de faire preuve de « clarté » et de « mouvement » pour dénouer rapidement un processus de séparation toujours dans l’impasse après le rejet par les députés britanniques le mois dernier de l’accord négocié par Theresa May. La première ministre se prépare d’ailleurs à faire état mardi aux élus du Parlement de ses discussions avec l’Union européenne sur le Brexit, soit 24 heures plus tôt que prévu, et ce, afin de leur laisser le temps de faire des propositions d’amendement, a indiqué son bureau.
Pour Michel Barnier, chef de la délégation européenne dans cette négociation de divorce, le Royaume-Uni va devoir « céder quelque chose » pour sortir de l’impasse. « Nous attendons de la clarté et du mouvement », a-t-il indiqué lundi en rappelant une énième fois qu’il n’était pas question pour l’Union européenne de rouvrir le texte de l’entente entre les deux parties et en soulignant qu’il ne restait désormais plus beaucoup de temps pour s’entendre.
Tout au plus, Bruxelles est prêt à consentir à des changements dans la « déclaration politique » qui va accompagner le traité de retrait. Cette déclaration doit circonscrire la nouvelle relation entre le Royaume-Uni et l’Europe au-delà du 29 avril prochain.
La balle est donc dans le camp de Londres, où Theresa May a repoussé du revers de la main dimanche la proposition du chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn d’offrir à Bruxelles un Brexit qui s’inscrirait dans une union douanière «permanente et globale » avec l’Europe. Ce compromis permettrait entre autres de résoudre le problème du filet de sécurité, le fameux « backstop », cette composante de l’accord qui a motivé son rejet massif par les députés britanniques en janvier.
Le filet vise à éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande après le Brexit, et ce, pour ne pas compromettre l’accord de paix entre les deux Irlandes signé en 1998. Les puristes du Brexit, dont Boris Johnson fait partie, sont opposés à ce backstop, qui ferait du Royaume-Uni une « colonie » de l’Europe, a rappelé l’ancien secrétaire d’État des Affaires étrangères sur les ondes de la BBC. L’aménagement, détaillé dans une lettre que Jeremy Corbyn a publiée la semaine dernière, est toutefois vu d’un bon oeil par Bruxelles, dans les circonstances. « J’ai trouvé la lettre de Corbyn intéressante dans sa tonalité et dans son contenu », a dit Michel Barnier lundi.
Mardi, Theresa May devrait aller chercher à nouveau l’appui des députés et des élus conservateurs pour renégocier le filet de sécurité nord-irlandais.
Un climat délétère au Royaume-Uni
L’incertitude quant au dénouement du Brexit, mais également la possibilité d’une sortie de l’Union sans accord, advenant le rejet par la Parlement de l’accord négocié, induit un climat délétère au Royaume-Uni, où plus l’échéance approche et plus les Britanniques se préparent au pire.
La semaine dernière, The Guardian révélait en effet que le gouvernement a commencé à recruter du personnel civil pour les centres d’urgence et d’opération qu’il est en train de mettre en place afin d’assurer une transition sociale, politique et économique ordonnée, et ce, dans l’éventualité d’un Brexit sans accord. L’EU Exit Emergencies Centre (EUXE) pourrait rester en activité durant deux ans, suivant le 29 avril. Le projet est piloté par le département de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales.
Par ailleurs, depuis le début de l’année, plus d’un millier de « Brexit Box » ont été vendues par Emergency Food Storage UK, une entreprise privée qui propose contre 500 $ un kit pour survivre à la sortie de l’Union européenne, advenant le chaos qu’un divorce sans accord pourrait provoquer, particulièrement aux frontières. Cette boîte contient 30 jours de repas lyophilisés, un filtre pour l’eau ainsi que du combustible pour pallier d’hypothétiques pénuries d’aliments ou problèmes d’approvisionnement en électricité. Un opportuniste décrié par le gouvernement, qui a indiqué que les Britanniques n’avaient pas à faire de réserves et que les chaînes d’approvisionnement alimentaires étaient solides et qu’elles allaient le rester après le Brexit, avec accord ou pas.