L’équité salariale bientôt renforcée
Une décision de la Cour suprême forçait le gouvernement du Québec à corriger le tir
De nouvelles modifications à la Loi sur l’équité salariale vont forcer les employeurs québécois à décaisser plus de 500 millions.
En vertu du projet de loi 10 présenté mardi, les employeurs devront indemniser des milliers de travailleuses de façon rétroactive pour des écarts de salaire avec leurs collègues hommes. Ces ajustements visent tous les employeurs de dix employés ou plus au Québec, soit l’équivalent de 35 294 entreprises (34 555 privées et 739 des secteurs public et parapublic).
Selon le ministre du Travail, Jean Boulet, ils risquent d’avoir un impact particulièrement important dans « le secteur de la santé, des services sociaux et de l’éducation ».
Ces changements découlent d’une décision rendue en mai 2018 par la Cour suprême en faveur de syndicats québécois qui dénonçaient le régime en vigueur au Québec depuis 2009.
Depuis lors, les employeurs devaient réviser, tous les cinq ans, l’équité salariale au sein de leur entreprise. Or dans les cas où ils découvraient des iniquités entre hommes et femmes, ils devaient les corriger, mais seulement dans le futur, sans dédommager les travailleuses pour les injustices subies au cours des années précédentes.
Dans sa décision, la Cour suprême avait jugé que ce régime portait atteinte au droit constitutionnel à l’égalité des femmes.
Selon des estimations de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) diffusées à l’époque, plus de 150 000 femmes pourraient bénéficier de ces ajustements.
En point de presse, le ministre Jean Boulet, à l’origine du projet de loi, a expliqué que le gouvernement était obligé de modifier la loi en raison de la décision de la Cour. « Ça prend une loi […] avant le 10 mai 2019 », a-t-il dit.
Questionné sur les impacts que cela pourrait avoir sur le secteur privé, il fait valoir que la loi permettrait aux employeurs de verser les compensations de façon forfaitaire en plusieurs versements (jusqu’à cinq).
Les 565,6 millions d’impacts appréhendés en 2020 représentent 0,35 % de la masse salariale des entreprises visées.
« C’est un montant important », a déclaré le ministre. « Mais en même temps, c’est le montant qui doit être assumé pour respecter les obligations qui m’apparaissent fondamentales. »
Les milieux d’affaires partagés
Mardi, les milieux d’affaires ont réservé un accueil mitigé au projet de loi.
C’est un montant important . Mais en même temps, c’est le montant qui doit être assumé pour respecter les obligations qui m’apparaissent » fondamentales.
JEAN BOULET
« Nous sommes partagés quant aux effets nets que [ce projet de loi] pourrait avoir sur le fardeau administratif imposé aux employeurs », a fait valoir la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) dans un communiqué.
De son côté, la Fédération des chambres de commerce du Québec reproche au projet de loi de « complexifier » la tâche des patrons.
En plus de forcer les patrons à corriger les iniquités passées, le projet de loi leur donne de nouvelles obligations en matière d’affichage de l’évaluation de l’équité salariale et de la participation des employés. Il modifie aussi le processus de traitement des plaintes à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, laquelle aura désormais l’obligation d’assister tout salarié qui le demande.
Aux yeux du Conseil du patronat du Québec, l’encadrement proposé par le ministre est trop lourd.
« Le CPQ souscrit au principe d’équité salariale », a souligné son président, Yves-Thomas Dorval dans un communiqué. « Par contre, devant les modalités proposées dans le projet déposé aujourd’hui, des préoccupations demeurent quant à la complexité du processus, la lourdeur administrative de l’exercice de maintien et les coûts inhérents importants », a-t-il fait valoir.