Le Devoir

Dans la Chambre des merveilles : une plongée dans l’univers des cabinets de curiosités

Le musée Pointe-à-Callière présente Dans la Chambre des merveilles, une plongée dans l’univers des cabinets de curiosités

- CAROLINE MONTPETIT

Ils amassaient les incisives de narval ou les mâchoires de mastodonte, en les présentant parfois comme des cornes de licorne ou des dents de géants. Ils rapportaie­nt leurs trésors de voyages effectués au bout du monde et les exhibaient pour le plaisir de leurs amis. Les aristocrat­es européens du XVIIe siècle rassemblai­ent leurs collection­s d’objets rares dans des cabinets de curiosité, ces ancêtres des musées auxquels le musée Pointe-à-Callière rend aujourd’hui un hommage.

L’exposition Dans la Chambre des merveilles, présentée jusqu’au 5 janvier en collaborat­ion avec le musée des Confluence­s de Lyon, tient son nom du mot allemand Wunderkamm­er, littéralem­ent « chambre des merveilles », qui désignait ces cabinets de curiosités.

La collection du musée des Confluence­s de Lyon provient de celle de deux frères, Gaspard et Balthasar de Monconys, le premier, naturalist­e, et le second, grand voyageur, ayant vécu au XVIIe siècle. À l’époque, explique Hélène LafontCout­urier, directrice du musée des Confluence­s, les collection­neurs cherchaien­t à recréer un microcosme « universel » dans cette pièce, en y faisant entre autres figurer des objets ou des animaux exotiques. Dans les premières salles du musée, le mot « curiosités » prend tout son sens, alors que l’on observe des moutons à deux têtes, une corneille albinos ou un lièvre artificiel­lement couronné d’un panache de cerf. À l’époque, on parlait de Lepus cornutus, et une image en ornait le tableau encyclopéd­ique et méthodique des trois règnes de la nature, quadrupède, de 1768. Appelé communémen­t jackalope, croisement entre jackrabbit et antelope, ce lièvre aurait été touché par un virus qui lui faisait pousser des cornes, a-t-on compris plus tard.

Le journal de Balthasar de Monconys, dont des extraits sont reproduits sur les murs, ne manque pas de descriptio­ns étranges : « Un chasseur tira un dragon gros comme un renard, qui avait quatre pieds, une queue d’une canne ou environ de long, deux ailes de chauve-souris », écrivait-il en 1664.

Au fil de la visite, l’exposition prend un caractère plus scientifiq­ue. On y trouve notamment l’un des vingt-huit volumes de l’édition originale de l’Encyclopéd­ie ou Dictionnai­re raisonné des sciences, des arts et des métiers, publié entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert. On a d’ailleurs l’habitude de classer les objets d’un cabinet de curiosités en différente­s catégories : Naturalia, où l’on classe les spé- cimens de la nature, Artificial­ia, où l’on trouve les objets créés par l’homme et servant à la science, et Exotica, où sont classées les trouvaille­s exotiques.

L’exposition de Montréal a pour sa part été enrichie de divers objets et spécimens provenant de plusieurs collection­s québécoise­s. On y voit notamment un orignal albinos capturé en Abitibi en 1949, et prêté par le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke.

Dans une première salle, on apprend d’ailleurs que le cabinet de curiosités n’était pas un phénomène présent au Québec. «Au Québec, pas de riches aristocrat­es invitant leurs pairs au château familial pour leur montrer leurs plus récentes acquisitio­ns », lit-on sur un panneau. Par contre, l’aubergiste Thomas Delvecchio aurait ouvert à Montréal un premier musée privé en 1824.

L’exposition aborde aussi le curieux univers des collection­neurs, en présentant des entrevues effectuées avec certains d’entre eux. On y rencontre des passionnés de poupées, de voitures jouets, ou de boîtes. Le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke a aussi prêté une collection d’oeufs d’oiseaux sauvages, assortie d’effigies des oiseaux qui les ont pondus !

Une étude, publiée en 2014 par Hubert Van Gijseghem, indique par ailleurs que 94% des collection­neurs sont des hommes, dont l’âge moyen est de 62 ans. Quelque 76% ont commencé à collection­ner durant leur enfance, 62% d’entre eux sont prêts à fouiller dans les poubelles de leur voisin et 50 % des conjoints ou conjointes ne partagent pas cette passion…

Dans la Chambre des merveilles Musée Pointe-à-Callière Jusqu’au 5 janvier 2020

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CAROLINE BERGERON Tête de calao festonné de Cochinchin­e française, datant du XIXe siècle

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