Le Devoir

Nissan dans une mauvaise passe

- ANNE BEADE À TOKYO AGENCE FRANCE-PRESSE

Nissan, dans la tourmente depuis l’arrestatio­n de son ancien patron Carlos Ghosn, doit en plus composer avec des profits en chute, ce qui l’a poussé à abaisser mardi ses prévisions annuelles.

Entre avril et décembre 2018, le constructe­ur d’automobile­s japonais a affiché un résultat net en recul de 45 %, à 316,7 milliards de yens (3,8 milliards $CAN), alors que ses ventes ont trébuché en Europe et surtout aux ÉtatsUnis, son premier marché.

« Nous avions la vieille habitude d’y pousser les ventes vers le haut, toujours et toujours, en usant de promotions » et d’autres méthodes, a expliqué le p.-d.g., Hiroto Saikawa, devant la presse, en référence à l’ère Ghosn de la course aux volumes. Mais le groupe a changé de stratégie dans le marché américain pour « améliorer l’image de la marque » et sa rentabilit­é, et « c’est un gros chantier », a-t-il reconnu. En Europe, il a fait piètre figure aussi, soumis à l’incertitud­e quant à la forme future du Brexit, et a même renoncé début février à assembler l’un de ses nouveaux modèles dans sa gigantesqu­e usine britanniqu­e.

Le constructe­ur table désormais sur un bénéfice net de 410 milliards de yens pour l’ensemble de l’exercice courant jusqu’à fin mars 2019, contre 500 milliards précédemme­nt escomptés. Comparativ­ement à un an plus tôt, cette nouvelle projection représente une diminution de 45 %. Outre ses difficulté­s opérationn­elles, Nissan pâtit de l’absence du gain exceptionn­el lié à l’imposition aux États-Unis qui avait gonflé les comptes en 2017-2018. Le chiffre d’affaires annuel est lui attendu à 11 600 milliards de yens (-2,9 %), pour 5,6 millions de véhicules écoulés, après une stagnation sur les neuf premiers mois.

Nissan a par ailleurs annoncé provisionn­er dans ses comptes les revenus différés que son ancien patron Carlos Ghosn est accusé de ne pas avoir déclarés aux autorités boursières sur la période 2010 à 2018. La somme a été éva- luée à 9,23 milliards de yens (111 millions $CAN), a précisé le constructe­ur, lui-même mis en examen dans cette affaire. Cette décision revient à graver dans le marbre l’existence de ces revenus, affaibliss­ant la ligne de défense de M. Ghosn, qui rejette les malversati­ons, assurant « ne jamais avoir signé de contrat avec Nissan pour recevoir un montant fixe non divulgué ».

Le bâtisseur de l’alliance francojapo­naise Renault-Nissan-Mitsubishi Motors est actuelleme­nt détenu dans une prison de Tokyo, dans l’attente de son procès qui n’interviend­ra pas avant plusieurs mois. Il se dit victime d’un « complot » des dirigeants de Nissan, qui ne voulaient pas de son projet d’intégratio­n des trois compagnies du premier empire automobile mondial (hors poids lourds).

Alors que Renault détient 43 % du capital de Nissan, qui lui-même possède 15 % de Renault, l’affaire Ghosn a révélé des rancoeurs au sein de Nissan, désireux de rééquilibr­er les relations et de limiter l’influence de l’État français, actionnair­e du groupe au losange. « L’alliance est notre force. Cependant, sa valeur n’est pas dans les parts détenues par chacun mais dans le principe d’avancer ensemble tout en respectant l’indépendan­ce » des trois membres, a insisté le patron de Nissan.

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OLI SCARFF AFP Ses ventes ont trébuché en Europe et surtout aux États-Unis, son premier marché.

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