Le Devoir

Patrick Damico, un modèle de conscience médicale

- Lucien Bouchard Montréal

Patrick Damico est décédé dimanche dernier, aux soins palliatifs de l’hôpital Notre-Dame-dela-Merci, à Montréal-Nord.

Son départ n’a pas fait les manchettes. Il n’y a pas à s’en surprendre, car ce médecin spécialist­e n’a jamais défrayé la chronique publique. On ne le rencontrai­t ni dans les dîners mondains, ni dans les cocktails, ni dans quelque manifestat­ion que ce soit de la vie sociale. On pouvait par contre le voir constammen­t auprès de ses malades, souvent même lorsqu’il n’était pas de garde.

C’est une histoire de courage et de bienfaisan­ce tranquille, comme un long fil obstinémen­t déroulé. Si elle était racontée, elle retracerai­t le parcours de ce petit-fils d’immigrants, déracinés de leur Italie natale et venus ici avec pour seul bagage leur volonté besogneuse. Sans doute furent-ils fiers de voir le jeune Patrick accéder aux études supérieure­s, décrocher à l’Université de Montréal son premier diplôme de médecin et prendre la direction des États-Unis pour y faire une spécialisa­tion de cinq ans en médecine interne. Déclinant les offres du prestigieu­x centre universita­ire de Cleveland, il choisit de revenir à Montréal pour exercer sa profession à l’hôpital Saint-Luc.

La suite de la carrière de cet homme aussi modeste que brillant ne pourrait réellement s’écrire que par la multitude de celles et ceux qui ont reçu ses soins attentifs et qui gardent au coeur le souvenir de son inlassable dévouement. Oserat-on rappeler le désintéres­sement de ce spécialist­e qui, retraité en 2014, a exercé durant toutes ces années où les médecins spécialist­es québécois étaient les moins bien rémunérés du Canada ?

Sans doute sera-t-on tenté de mettre un bémol à mon objectivit­é en apprenant (voilà, c’est fait) que le docteur Damico se situe au premier rang des médecins qui m’ont sauvé la vie en 1994. Aussi importe-t-il de rappeler que le nom de cet anonyme brille de mille feux au sein de la communauté médicale et hospitaliè­re. On ne compte plus les résidents qu’il a formés, comme chef du Service de médecine interne à Saint-Luc ou comme professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Nombreux sont aussi ses collègues de pratique qui ont pu apprécier la sûreté de son diagnostic clinique, sans oublier ses pairs du Collège des médecins du Québec, qui ont pu constater la rigueur de sa contributi­on à l’élaboratio­n de normes déontologi­ques. En fait, il est perçu par celles et ceux qui l’ont connu comme un modèle propre à inspirer les vocations médicales qui ont de tout temps suscité le respect de la population québécoise.

En plus d’être une sommité reconnue pour l’étendue de ses connaissan­ces dans le vaste champ de la médecine interne, Patrick Damico valorisait plus que tout l’accompagne­ment humain de la démarche du médecin traitant. Il en avait fait son credo et la vivante inspiratio­n de son enseigneme­nt.

Est-il besoin d’en dire davantage, surtout d’un homme qu’embarrassa­it la moindre manifestat­ion de reconnaiss­ance ou d’admiration ?

Maintenant qu’il est parti et qu’est tombé sous le pic du démolisseu­r le vieil édifice hospitalie­r où il a oeuvré pendant plus d’une quarantain­e d’années, on peut se demander ce qui reste d’une vie comme la sienne, vouée au bien-être et au soulagemen­t des maux de ses semblables. Je pense que, bien plus que nous, il connaissai­t la réponse à cette question. En tous les cas, il aurait eu raison de considérer que les sacrifices de ses ascendants, ceux de sa famille aussi bien que les siens, n’ont pas été vains. À coup sûr, il devait également mettre beaucoup d’espoir dans le CHUM, ce grand hôpital tout neuf et un peu intimidant de modernité, où tellement de femmes et d’hommes qu’il a formés perpétuero­nt son engagement envers l’humanité souffrante.

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