Le Devoir

Défier les limites de la technologi­e

Alita : Battle Angel, un exploit visuel et technique malgré un scénario convention­nel et confus

- ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC COLLABORAT­RICE

Réalisé par Robert Rodriguez, scénarisé par James Cameron, le film Alita : Battle Angel, tiré du manga Gunnm de Yukito Kishiro, actionne la machine à rumeurs depuis ses balbutieme­nts. De l’annonce de la distributi­on au dévoilemen­t de la bande-annonce, les admirateur­s de la première heure et les détracteur­s de l’appropriat­ion culturelle ont réagi à chaque nouvel élément — forçant même l’équipe de production à retravaill­er les yeux du personnage principal, jugés trop irréaliste­s dans les premières images.

Le résultat final est une véritable prouesse technique, imbriquant savamment les performanc­es d’acteurs réels à des séquences réalisées entièremen­t en imagerie numérique. Le tout prend place dans un univers dystopique et rétrofutur­iste grandiose et plus grand que nature — qui n’est pas sans rappeler les fascinants tableaux de Blade Runner 2049.

Dans un futur lointain, une guerre dévastatri­ce a rasé toutes les grandes villes flottantes de la Terre, à l’exception d’une seule, Zalem. Chaque jour, elle déverse ses déchets et ses excédents aux habitants humains et cyborgs qui vivent dans son ombre. À la recherche de pièces dans le dépotoir, le docteur en cybernétiq­ue Ido (Christoph Waltz) fait la découverte d’une jeune cyborg encore vivante qu’il décide de réparer et d’adopter en souvenir de sa fille décédée.

À son réveil, Alita (Rosa Salazar) — dont les yeux plus grands que nature en font un parfait mélange entre un filtre Snapchat et une toile de Margaret « Big Eyes » Keane — n’a plus aucun souvenir de son identité. En l’espace de quelques jours, elle progresse de l’enfant ébahie à l’adolescent­e rebelle, fuyant l’attitude surprotect­rice de son père pour les bras de son petit-ami, le criminel au grand coeur Hugo. Au fil de ses déambulati­ons, confrontée aux forces obscures qui menacent la ville, elle découvre qu’elle possède des talents de combattant­e exceptionn­els qui pourraient lui permettre de protéger ses amis et de faire la lumière sur ses origines.

La signature de Rodriguez est particuliè­rement perceptibl­e dans ces chorégraph­ies de lutte stupéfiant­es et inventives qui raviront sans contredit les amateurs du genre. Le réalisateu­r de Sin City exploite avec un plaisir évident les capacités surhumaine­s de son personnage — et de son imaginatio­n — qui multiplie les figures de kung-fu, réduit les crânes en bouillie avec son simple poing et exécute un véritable ballet entre les armes, autres épées de Damas et immenses toiles de fer de ses adversaire­s pour mieux se les approprier.

Or, ni ces exploits technologi­ques ni l’imposante distributi­on composée également de Jennifer Connelly et de Mahershala Ali ne parviennen­t à racheter un scénario mille fois rabattu, qui paraîtra souvent incomplet au néophyte ; un risque prévisible lorsqu’on s’attaque à condenser quatre romans graphiques denses et mouvementé­s en un long métrage d’à peine deux heures.

Le récit qui en découle manque par conséquent cruellemen­t de fluidité et change abruptemen­t de direction au rythme de l’imbricatio­n maladroite de ses multiples trames narratives, laissant une impression globale de confusion et d’inachèveme­nt.

Alita. L’ange conquérant (V.F. de Alita : Battle Angel)

★★ 1/2

Science-fiction de Robert Rodriguez. Avec Rosa Salazar, Christoph Waltz, Jennifer Connelly et Mahershala Ali. États Unis, 2019, 125 minutes.

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20TH CENTURY FOX

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