Le Devoir

Alexandra Suda prend les rênes du MBAC

« L’art peut être une fenêtre vers une multitude de mondes », note la nouvelle directrice générale de l’établissem­ent

- PHILIPPE PAPINEAU

La Torontoise Alexandra Suda a été nommée directrice générale du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), a annoncé mercredi le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez. Mme Suda, qui devient la quatrième femme à tenir ce rôle dans l’établissem­ent muséal installé à Ottawa, espère pouvoir « ouvrir une fenêtre vers le public ».

Mme Suda, surnommée Sasha, devient ainsi la 11e personne à assumer le rôle de d.g. du MBAC, qui est un musée national. Son mandat sera d’une durée de cinq ans.

La femme de 38 ans, qui a grandi à Toronto, détient un doctorat en histoire de l’art de l’Institute of Fine Arts de l’Université de New York. Celle qui a commencé sa carrière au célèbre Metropolit­an Museum of Art, dans la Grosse Pomme, a déjà un parcours riche dans le monde de l’art. Elle travaillai­t jusqu’à récemment au Musée des beaux-arts de l’Ontario (connu sous l’acronyme AGO), où elle dirigeait une équipe en tant que conservatr­ice de l’art européen et où elle était titulaire de la chaire R. Fraser Elliott d’estampes et de dessins.

« Cette idée que l’art peut être une fenêtre vers une multitude de mondes est devenue très claire pour moi lors de mon passage au AGO, a expliqué en anglais Mme Suda au Devoir. Et s’efforcer d’ouvrir cette fenêtre vers le public est très important pour les profession­nels des musées aujourd’hui. »

Si Mme Suda prône « la transparen­ce et l’honnêteté », ses premières actions importante­s seront de nommer un sous-directeur et conservate­ur en chef ainsi qu’un dirigeant à l’Institut canadien de la photograph­ie.

De jeunes femmes au pouvoir

Alexandra Suda, qui entrera officielle­ment en poste le 18 avril, succédera à Marc Mayer, qui était à la tête du MBAC depuis dix ans. La dernière femme ayant occupé la direction générale du MBAC était Shirley Thomson, il y a 21 ans.

Le titulaire de la Chaire de recherche sur la gouvernanc­e des musées et le droit de la culture à l’UQAM, Yves Bergeron, souligne le parcours exemplaire de Mme Suda et se réjouit de la présence d’une femme à la tête de ce grand musée.

« D’autant plus que si je regarde ici à l’Université — et c’est pareil ailleurs —, ceux qui terminent en histoire de l’art, et particuliè­rement en muséologie, ce sont à 90 % des femmes. »

La principale intéressée juge « extraordin­aire » d’avoir cette nouvelle responsabi­lité. « Il y a plusieurs jeunes femmes qui prennent les commandes d’institutio­ns au Canada et ailleurs dans le monde, et qui ont ouvert la voie. Sans oublier les femmes de tous les âges. »

Le cas Chagall

Le MBAC, qui possède quelque 65 000 oeuvres d’art, a dû jongler en 2018 avec le dossier controvers­é de la vente avortée d’une toile de Marc Chagall. Mme Suda n’a pas encore pu accéder à ce dossier à l’interne, mais s’est dite « curieuse de savoir comment les décisions ont été prises et quelles pratiques ont été suivies ».

Elle s’est toutefois réjouie que ce dossier qui a fait couler beaucoup d’encre ait permis au grand public de mieux comprendre certains processus et réalités des musées canadiens.

« Le musée a toujours sa crédibilit­é, estime Yves Bergeron. Mais il faut rétablir un lien de confiance, d’abord avec les citoyens, mais aussi beaucoup avec la communauté des collection­neurs au Canada. En raison de la Loi sur l’exportatio­n et l’importatio­n de biens cultu-

Il y a plusieurs jeunes femmes qui prennent les commandes d’institutio­ns au Canada et ailleurs dans le monde, et » qui ont ouvert la voie ALEXANDRA SUDA

rels, qui permet de donner des crédits d’impôt, les musées doivent entretenir des liens très étroits avec les collection­neurs. Là, il y a quelque chose qui s’est brisé dans la dernière année. »

Magasin de bonbons

Pour l’instant, Alexandra Suda a très hâte d’aller fouiller dans les voûtes du musée, ne refusant pas la métaphore de l’enfant dans le magasin de bonbon.

« Aujourd’hui, on a fait des entrevues devant un tableau de James Tissot que le musée a récemment acquis, juste parce que je n’avais pas eu la chance de le voir encore. J’étais un peu prise de vertige devant l’oeuvre ! »

De son propre aveu, la nouvelle directrice générale devra par ailleurs perfection­ner son français. Elle l’a appris au primaire et au secondaire dans le système scolaire ontarien, et a utilisé la langue de Molière dans plusieurs de ses fonctions muséales, notamment dans l’art médiéval.

«Nos enfants vont aller à l’école francophon­e, confie-t-elle au Devoir. Et on passera beaucoup de temps au Québec, on a plusieurs amis qui vivent là. Le défi est de faire passer mon français à un autre niveau pour mieux communique­r. »

 ??  ?? MBAC
MBAC

Newspapers in French

Newspapers from Canada