Maternelle 4 ans pour tous, parole de premier ministre
Le premier ministre François Legault promet de se « battre » pour accorder un «droit au service de l’éducation préscolaire » à tout enfant âgé de 4 ans, et ce, à compter de l’année scolaire 2023-2024. L’opposition l’accuse d’« aveuglement idéologique ».
« Tous les parents, d’ici cinq ans, qui veulent envoyer leurs enfants en maternelle 4 ans vont pouvoir le faire. […] Ça va devenir un droit dans la LIP [Loi sur l’instruction publique] », a promis M. Legault dans un local tapissé d’illustrations d’abeilles de l’école primaire Sans-Frontière, à Québec, jeudi aprèsmidi. En retrait, l’ex-directrice d’école Yolande Brunelle, qui a implanté la première maternelle 4 ans à temps plein dans un milieu défavorisé de Montréal, était tout sourire.
Le gouvernement caquiste s’est toutefois gardé de préciser la date d’entrée en vigueur de ce « nouveau droit à la maternelle 4 ans » dans le projet de loi 5, qu’il avait déposé à l’Assemblée nationale plus tôt dans la journée. «Il peut toujours y avoir des impondérables. On l’a vu à Hull : il y a eu une tornade. Le toit de l’école a été arraché. […] Si, dans une communauté, de manière exceptionnelle, on n’y arrive pas, il ne faudrait pas que le gouvernement
se fasse poursuivre pour quelque chose qui est totalement imprévisible. Mais notre engagement est très, très clair. Vous avez la parole du premier ministre », a déclaré le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.
Ce « nouveau service » offert à tous les enfants de quatre ans, sans égard au milieu économique dans lequel ils vivent, entraînera des dépenses gouvernementales supplémentaires de quelque 400 à 700 millions de dollars, à terme, par année, anticipe l’équipe de François Legault.
C’est bien plus que le montant mentionné par la Coalition avenir Québec en campagne électorale. En effet, la formation politique chiffrait à 249 millions par année le « coût » de sa promesse d’offrir des maternelles 4 ans non obligatoires.
Le gouvernement caquiste n’effectuera pas de «compressions ailleurs» afin de financer les dépenses liées à ce « nouveau service », qui sera de qualité « A1 », a spécifié M. Roberge. « Ce sont des ajouts d’argent frais dans le réseau. »
Ni M. Legault ni M. Roberge n’ont toutefois voulu estimer à haute voix le nombre ou le coût des « centaines », puis des « milliers » de nouvelles classes à aménager chaque année d’ici la rentrée scolaire 2023-2024. « C’est difficile, à moins d’être devin, de savoir à quelle vitesse les parents vont [adopter] la maternelle 4 ans », a lâché le premier ministre.
Le ministère dénombre actuellement 398 classes de maternelles 4 ans. L’été dernier, M. Legault évaluait à 5000 le nombre de classes nécessaires pour offrir la maternelle 4 ans aux quatre coins du Québec.
« Il y a des maternelles 4 ans à construire, mais il y a aussi des rénovations importantes à faire dans beaucoup d’écoles au Québec », a fait remarquer M. Legault, selon lequel «50% des écoles au Québec sont en mauvais état ».
Le déploiement de maternelles 4 ans « impose[rait] au réseau scolaire des défis, notamment en matière de besoins d’espace, de main-d’oeuvre et de transport scolaire », a indiqué la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ). « Si le gouvernement souhaite le succès de cette opération, il devra travailler en collaboration avec les élus scolaires, donner le temps nécessaire et les moyens d’y arriver », a averti son président, Alain Fortier.
À l’Assemblée nationale, l’opposition a dénoncé l’« obsession » du gouvernement caquiste pour les maternelles 4 ans. « Ce projet n’est ni souhaité par les parents du Québec — je mets au défi l’ensemble de sa députation de valider ça dans ses circonscriptions —, ni souhaitable — parce qu’on préfère poursuivre le réseau des CPE, qui offre une garantie de qualité —, ni réalisable », a fait valoir le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, lors de la période de questions à l’Assemblée nationale.
M. Legault a rétorqué qu’il comptait déployer les maternelles 4 ans sans affaiblir le réseau de centres de la petite enfance (CPE). « Il y a des enfants qui ont des difficultés, qui ont besoin d’un enseignant, qui ont besoin d’un orthophoniste, qui ont besoin d’un psychologue, qui ont besoin de l’aide qu’on peut retrouver dans une école primaire. Dans certains cas, ce sera possible de donner ces services dans les CPE, mais […] un CPE, c’est plus petit qu’une école primaire. Donc, offrons les deux », a-t-il affirmé tout en rappelant sa promesse de « valoriser » les enseignants en rehaussant leur salaire et en embauchant des professionnels pour leur prêter main-forte dans l’accompagnement d’enfants aux prises avec des difficultés d’apprentissage.
L’élue libérale Marwah Rizqy ne « comprend pas » de quelle manière le gouvernement parviendra à pourvoir des centaines, voire des milliers de nouveaux postes en pleine pénurie de main-d’oeuvre. « La seule raison pour qu’on s’acharne à vouloir absolument et à n’importe quel prix implanter des maternelles 4 ans partout au Québec, c’est pour sauver un seul siège, celui du premier ministre, parce qu’il a dit en campagne électorale qu’il était prêt à démissionner si jamais il n’était pas en mesure de remplir cet engagement électoral », a-t-elle lancé en chambre.
L’élue solidaire Christine Labrie s’inquiète de voir les enfants « [faire] les frais de l’aventure coûteuse de François Legault ». À ses yeux, le « modèle à suivre pour favoriser la réussite scolaire » est celui des CPE ou des services de garde en milieu familial.
M. Legault reproche aux partis d’opposition de «faire peur au monde». « On ne construira pas de maternelles 4 ans dans les gymnases», a-t-il notamment assuré à la presse.