Les incohérents
Le Toronto Star rapporte que les plateformes étrangères telles que Facebook et Twitter reçoivent maintenant la part du lion dans les dépenses de publicité numérique du gouvernement fédéral. En 2018, Ottawa a dépensé 18,2 millions en publicité numérique, soit 46 % de son budget total de 39,2 millions. Jusqu’ici, rien ne cloche. Les habitudes de consommation d’information des citoyens connaissent des changements radicaux. Il est normal que la publicité suive les lecteurs et utilisateurs là où ils se trouvent. C’est le choix des plateformes qui pose problème. Les réseaux sociaux, pour la plupart américains, ont raflé près de huit millions en publicité gouvernementale. Les budgets publicitaires du gouvernement sont constitués à même les taxes et impôts des citoyens. Ainsi donc, les sommes servent à engraisser des entreprises étrangères qui, pour la plupart, ne paient ni taxes ni impôts au Canada.
Les éditeurs de journaux ressentent avec acuité cette concurrence. Dans Le Miroir éclaté, le Forum des politiques publiques a évalué que les grands journaux avaient tous subi une baisse de leurs recettes entre 2011 et 2016. Le Devoir a subi le recul le moins prononcé (il a préservé 93 % de ses recettes) parce que son modèle repose davantage sur les abonnements. Le Globe and Mail (78 % de ses recettes), La Presse (71 %), le Toronto Star (62 %) et les journaux de Postmedia ( 58 %) ont tous accusé le coup de la révolution numérique. Ce n’est pas faute d’essayer. Tous ces médias ont entrepris leur transformation numérique. Grâce à la multiplication des plateformes, ils sont plus lus que jamais.
Plutôt que d’encourager ces médias nationaux en y injectant ses dollars publicitaires, Ottawa préfère laisser ses ministères et leurs agences de placement donner « libre cours à leur créativité », comme le précise le rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada.
Au même moment, les décideurs publics s’inquiètent de l’avenir de la presse d’information, jugée comme un pilier essentiel d’une saine démocratie. Malgré toutes ses imperfections, elle s’acquitte assez bien de son rôle de chien de garde des institutions. Le problème des fausses nouvelles, qui inquiète tant les gouvernements, n’est pas de la responsabilité de ces médias. Elles pullulent sur ces réseaux qu’Ottawa encourage, tel Facebook !
Un minimum de cohérence est de mise. Ottawa doit ramener ses dollars dans nos médias s’il tient à leur vitalité et à leur diversité.