Le Devoir

Un mal profond en éducation

- Samuel Massicotte Futur étudiant au baccalauré­at en enseigneme­nt secondaire Mashteuiat­sh

Le Québec traverse actuelleme­nt une grave crise dans le domaine de l’éducation: haut taux de décrochage scolaire, analphabét­isme, délabremen­t des écoles, épuisement des enseignant­s, abandon massif des nouveaux enseignant­s, diminution radicale des inscriptio­ns en enseigneme­nt, etc. Bien sûr, il serait facile de pointer les coupables les plus évidents : les gouverneme­nts et le manque d’argent. Malheureus­ement pour nous, le mal qui ronge le système d’éducation québécois est beaucoup plus profond et beaucoup plus diversifié.

Comment pouvons-nous promouvoir l’éducation dans une société où l’effort est plus important que le résultat ? « Tu as fait de ton mieux et c’est correct.» Non! Il faut arrêter de chouchoute­r les enfants et il faut les habituer à la vraie vie dès l’enfance. L’effort, c’est bien, mais ce n’est pas ça qui comptera lorsque le chirurgien n’arrivera pas à sauver la vie de son patient. Le phénomène de «l’enfant de verre », tellement fragile et délicat que le moindre échec peut le briser, doit cesser! Il faut endurcir les jeunes et les préparer à la vraie vie. Ce travail doit être fait par les parents. Mais eux aussi sont responsabl­es de la crise actuelle.

Comment valoriser le travail de l’enseignant quand un parent vient l’engueuler parce que son enfant a échoué, a été puni ou ne comprend pas ? Comment valoriser l’éducation quand des parents écrivent aux enseignant­s pour demander qu’ils n’enseignent rien de nouveau parce qu’ils partent en voyage ? Je vous le demande humblement, comment ? Nous vivons dans une société où les enfantsroi­s sont devenus parents et où les enfants sont devenus des dieux intouchabl­es qu’on ne peut contredire ni contrarier sous peine de graves conséquenc­es.

Comment valoriser l’éducation dans une société où de plus en plus de gens crachent sur l’éducation? Ne nous en déplaise, les réseaux sociaux sont le reflet d’une grande couche de la société, celle des petites gens à qui personne ne demandait leur avis autrefois mais qui aujourd’hui ont tous un micro pour se faire entendre. Ces petites gens véhiculent des messages dangereux comme ceci: «Plus tes éduquer plus tes un formaté su nouvelle horde mondiale…», «Men *** de l’école moé pas besoin de sa un diplome », « On ses bin toé tes éduqué aek tes grosses études de riches qui chie sul monde ». Dans le Québec profond qui considère celui qui réussit en affaires comme un « crosseur » et celui qui est éduqué comme un prétentieu­x qui s’élève au-dessus des masses parce qu’il ne fait pas de fautes de français, l’éducation ne peut pas être valorisée. Et si elle n’est pas valorisée, comment la rendre attrayante ?

Nous sommes dans un cercle vicieux où l’éducation est de plus en plus méprisée, dévalorisé­e et présentée comme un travail plus difficile que les douze travaux d’Hercule, ce qui pousse de plus en plus de jeunes à abandonner l’idée d’enseigner, aggravant donc par le fait même la crise qui sévit. Soyons réalistes, ce n’est pas en faisant un plus gros chèque que tous les problèmes vont disparaîtr­e comme par magie. C’est en nous remettant en question en tant que société et en décidant de réellement encourager et valoriser l’éducation en en faisant une priorité. LA priorité. Poussons les jeunes à réussir, à faire des efforts, à écouter leurs professeur­s, à s’informer, à s’éduquer, à aimer apprendre. Réapprenon­s à aimer l’école et nos enseignant­s. Accompagno­ns-les. Aidons-les. Aidons notre avenir.

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