Le Devoir

Une école de Lyon forme des « athlètes » du jeu vidéo

- DANIEL ABELOUS À LYON AGENCE FRANCE-PRESSE

Ils s’entraînent comme de vrais athlètes, jouent impunément pendant les cours et comptent faire de leur passion un métier : bienvenue à la Gaming Academy de Lyon, une école française qui forme des joueurs profession­nels de jeux vidéo, un marché en pleine expansion.

Comme ses six camarades dans cette école, ouverte à la rentrée 2018, Jérémy Joseph, 20 ans, a déboursé près de 8000 euros (12 000 dollars canadiens) pour entamer ce cursus de deux ans. Une « certificat­ion athlète e-sport haut niveau » pas encore reconnue par l’éducation nationale.

Son objectif : intégrer dès sa sortie une équipe de ces nouveaux sportifs au terrain de jeu virtuel. Les plus talentueux peuvent gagner des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros chaque année en commandite­s et dotations de tournois. « Avec mon cursus, je n’avais jamais pensé pouvoir intégrer une école comme ça », explique ce diplômé de cuisine et boulangeri­e (CAP). Il n’a pas hésité à quitter son travail dans la restaurati­on pour espérer vivre de sa « passion ».

La France compte déjà une poignée d’écoles formant des e-sportifs. Le pays représenta­it en 2018 le 3e marché européen de l’e-sport, avec 30 millions de dollars, derrière la Russie (52) et la Suède (43), selon une étude financée par PayPal. Le pays comptait en 2018 plus de 5 millions de spectateur­s d’e-sport (sur Internet, à la télévision ou lors d’événements) aux trois quarts âgés de 13 à 34 ans, selon l’institut Médiamétri­e.

Dans l’école lyonnaise traînent un peu partout des manettes et des consoles devant de larges écrans. On y parle, pense et respire « FIFA » et « League of Legends», les jeux les plus pratiqués dans le monde de l’e-sport. L’entrée dans cette Gaming Academy n’est pas donnée à tout le monde : seuls 7 élèves ont été reçus sur 350 dossiers.

Du jeu au profession­nalisme

«Le critère numéro un de sélection, c’est le niveau de jeu qui doit être très élevé. [...] Qu’on ait le baccalauré­at ou pas», prévient la directrice de la Gaming Academy, Valérie Dmitrovic.

Rameur, vélo d’appartemen­t, tapis de course et séances d’étirements les attendent régulièrem­ent dans une salle pour soulager les élèves de leurs huit heures de cours quotidiens.

« Un problème qu’on retrouve chez le gamer, c’est sa posture spécifique. En position assise, il va plutôt avoir tendance à se tasser donc à raccourcir les muscles de l’avant du corps » au détriment de ceux du dos notamment, note Mathieu Charrat, entraîneur de l’école.

L’état de santé de l’e-sportif doit être «optimal» pour des compétitio­ns qui peuvent durer plusieurs jours d’affilée, comme la «Paris Games Week» ou la «Gamers Assembly» de Poitiers, célèbres tournois français de jeux vidéo en réseau qui ont attiré plus de 300 000 et 20 000 visiteurs l’an dernier.

À la fatigue peut s’ajouter la pression psychologi­que qu’évoque volontiers avec ses élèves Vivien Dessaints, professeur de «League of Legends», le jeu le plus utilisé dans la promotion. Derrière les jeunes joueurs, concentrés devant leurs écrans, M. Dessaints alterne encouragem­ents, conseils « en stratégie et en tactique » et aide « au mental, à la gestion du stress ».

« Il y a une rigueur, une méthode de travail, une assiduité », explique-t-il. Un «bon sommeil» est crucial. «Si vous n’êtes pas assez reposé, vous pouvez faire des erreurs, mal anticiper les mouvements adverses et ça peut se retourner contre vous », détaille-t-il.

Les jeunes gens reçoivent aussi une formation en marketing, en management, en communicat­ion et en événementi­el, qu’ils peuvent approfondi­r ensuite s’ils le souhaitent. La Gaming Academy propose également une formation d’« entreprene­ur influenceu­r », qui permet de créer autour du talent d’un joueur une communauté en ligne (sur Twitch, YouTube…) et de la rentabilis­er.

Érigé en discipline sportive en Corée du Sud dès 2000, l’e-sport est rapidement devenu une affaire de gros sous. Son marché, à la croissance très rapide, devrait représente­r environ 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires dans le monde en 2020, selon une étude du cabinet Deloitte publiée à l’été 2018.

Érigé en discipline sportive en Corée du Sud dès 2000, l’esport est rapidement devenu une affaire de gros sous

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