Le parti pris des jeunes
Les recherches démontrent que la consommation du cannabis peut induire des psychoses
En réponse au texte de Robert Perreault et de Jean-Yves Frappier publié le vendredi 15 février 2019
À l’instar de l’Association médicale du Canada, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, l’Académie canadienne de psychiatrie, l’Académie canadienne de médecine psychosomatique et d’autres, l’Association des médecins psychiatres du Québec a proposé que l’âge légal pour consommer du cannabis soit fixé à 21 ans.
Cette prise de position a été mûrement réfléchie et s’est articulée de façon rigoureuse sur la base de la littérature, mais aussi en tenant compte de la réalité de terrain en psychiatrie. Vous avez raison, nous sommes complètement partiaux et nous avons des intérêts.
L’intérêt de ces jeunes psychotiques qui souffrent, qui sont désorganisés, qui ne se reconnaissent plus. L’intérêt de leurs proches en désarroi et impuissants devant un jeune qui ne voit pas de problèmes avec le cannabis. Nous avons l’intérêt de nos patients parce que notre réalité, c’est que nous ne traitons pas des statistiques, nous traitons des humains.
Ceux qui ont un proche atteint d’un trouble mental savent à quel point il est difficile de les sensibiliser. Depuis la légalisation, nous entendons trop souvent des parents qui relatent des conversations avec leurs jeunes disant : « Si c’était aussi dangereux, ça ne serait pas légal.» Dans nos urgences, les jeunes ne considèrent plus le cannabis comme une drogue, si bien qu’il nous faut leur poser la question spécifique sur le cannabis. La légalisation a comme effet collatéral de banaliser le produit. Fumer un joint ne peut devenir aussi anodin que de marcher dans la rue avec son latté Starbucks. Le message doit être clair et sans équivoque. Un des moyens de prévention pour y arriver est de fixer l’âge à 21 ans.
Au Québec, parce que les jeunes sont plus à risque, nous avons choisi d’appliquer la politique de tolérance zéro sur l’alcool au volant pour les moins de 25 ans. D’ailleurs, le bilan routier s’améliore. Pourquoi est-ce si incongru et si vertement dénoncé que l’on applique
Dans nos urgences, les jeunes ne considèrent plus le cannabis comme une drogue, si bien qu’il nous faut leur poser la question spécifique sur le cannabis
un principe de précaution semblable alors qu’il est question de protéger le cerveau des jeunes ?
Bien sûr que ceux qui consomment déjà ne cesseront pas parce que l’âge légal passe de 18 à 21 ans, mais l’État est-il tenu de leur donner une bénédiction pour autant? D’ailleurs, qu’ils soient âgés de 14, 16, 18 ou 20 ans, ils continueront à s’approvisionner auprès de leur réseau habituel. Le ministre Carmant rappelait cette semaine que les consommateurs de 18 à 20 ans ne représentaient que 2 % des clients de la SQDC. Ce qui est particulier, c’est de lire des affirmations tranchées supposant que de facto, tous les jeunes qui consomment du cannabis vont dorénavant s’approvisionner à la SQDC avec la pensée magique que le marché noir va s’effondrer.
Le véritable effet de statuer à 21 ans, c’est le message qu’on envoie. Pour certains jeunes, cette barrière légale reportera le début de la consommation ou en réduira la fréquence. Pour ceux qui se feront prendre à en consommer, nous avons proposé que les sanctions pénales, comme les amendes, soient remplacées par des sessions d’information sur les dangers du cannabis afin de souscrire à l’objectif de la réduction des méfaits.
Les recherches ont clairement démontré que la consommation du cannabis peut induire des psychoses, que la moitié de ceux qui font une psychose toxique développeront un trouble ressemblant à la schizophrénie dans les 10 ans, que le risque de psychose augmente de 40 % pour ceux qui ont consommé du cannabis une fois dans leur vie et de près de 400% pour des utilisateurs réguliers. Qu’est-ce que ça prend de plus pour privilégier la prudence ?
Comme société qui valorise sa jeunesse, nous leur devons cela.