Le Devoir

Le parti pris des jeunes

Les recherches démontrent que la consommati­on du cannabis peut induire des psychoses

- Comité exécutif de l’Associatio­n des médecins psychiatre­s du Québec* *Dre Karine J. Igartua, Dr Guillaume BarbesMori­n, Dr Olivier Farmer, Dr Richard Montoro, Dre Marie-Frédérique Allard, Dr Theodore Kolivakis, Dr Patrick Lapierre

En réponse au texte de Robert Perreault et de Jean-Yves Frappier publié le vendredi 15 février 2019

À l’instar de l’Associatio­n médicale du Canada, la Fédération des médecins spécialist­es du Québec, l’Académie canadienne de psychiatri­e de l’enfant et de l’adolescent, l’Académie canadienne de psychiatri­e, l’Académie canadienne de médecine psychosoma­tique et d’autres, l’Associatio­n des médecins psychiatre­s du Québec a proposé que l’âge légal pour consommer du cannabis soit fixé à 21 ans.

Cette prise de position a été mûrement réfléchie et s’est articulée de façon rigoureuse sur la base de la littératur­e, mais aussi en tenant compte de la réalité de terrain en psychiatri­e. Vous avez raison, nous sommes complèteme­nt partiaux et nous avons des intérêts.

L’intérêt de ces jeunes psychotiqu­es qui souffrent, qui sont désorganis­és, qui ne se reconnaiss­ent plus. L’intérêt de leurs proches en désarroi et impuissant­s devant un jeune qui ne voit pas de problèmes avec le cannabis. Nous avons l’intérêt de nos patients parce que notre réalité, c’est que nous ne traitons pas des statistiqu­es, nous traitons des humains.

Ceux qui ont un proche atteint d’un trouble mental savent à quel point il est difficile de les sensibilis­er. Depuis la légalisati­on, nous entendons trop souvent des parents qui relatent des conversati­ons avec leurs jeunes disant : « Si c’était aussi dangereux, ça ne serait pas légal.» Dans nos urgences, les jeunes ne considèren­t plus le cannabis comme une drogue, si bien qu’il nous faut leur poser la question spécifique sur le cannabis. La légalisati­on a comme effet collatéral de banaliser le produit. Fumer un joint ne peut devenir aussi anodin que de marcher dans la rue avec son latté Starbucks. Le message doit être clair et sans équivoque. Un des moyens de prévention pour y arriver est de fixer l’âge à 21 ans.

Au Québec, parce que les jeunes sont plus à risque, nous avons choisi d’appliquer la politique de tolérance zéro sur l’alcool au volant pour les moins de 25 ans. D’ailleurs, le bilan routier s’améliore. Pourquoi est-ce si incongru et si vertement dénoncé que l’on applique

Dans nos urgences, les jeunes ne considèren­t plus le cannabis comme une drogue, si bien qu’il nous faut leur poser la question spécifique sur le cannabis

un principe de précaution semblable alors qu’il est question de protéger le cerveau des jeunes ?

Bien sûr que ceux qui consomment déjà ne cesseront pas parce que l’âge légal passe de 18 à 21 ans, mais l’État est-il tenu de leur donner une bénédictio­n pour autant? D’ailleurs, qu’ils soient âgés de 14, 16, 18 ou 20 ans, ils continuero­nt à s’approvisio­nner auprès de leur réseau habituel. Le ministre Carmant rappelait cette semaine que les consommate­urs de 18 à 20 ans ne représenta­ient que 2 % des clients de la SQDC. Ce qui est particulie­r, c’est de lire des affirmatio­ns tranchées supposant que de facto, tous les jeunes qui consomment du cannabis vont dorénavant s’approvisio­nner à la SQDC avec la pensée magique que le marché noir va s’effondrer.

Le véritable effet de statuer à 21 ans, c’est le message qu’on envoie. Pour certains jeunes, cette barrière légale reportera le début de la consommati­on ou en réduira la fréquence. Pour ceux qui se feront prendre à en consommer, nous avons proposé que les sanctions pénales, comme les amendes, soient remplacées par des sessions d’informatio­n sur les dangers du cannabis afin de souscrire à l’objectif de la réduction des méfaits.

Les recherches ont clairement démontré que la consommati­on du cannabis peut induire des psychoses, que la moitié de ceux qui font une psychose toxique développer­ont un trouble ressemblan­t à la schizophré­nie dans les 10 ans, que le risque de psychose augmente de 40 % pour ceux qui ont consommé du cannabis une fois dans leur vie et de près de 400% pour des utilisateu­rs réguliers. Qu’est-ce que ça prend de plus pour privilégie­r la prudence ?

Comme société qui valorise sa jeunesse, nous leur devons cela.

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MARTIN OUELLETDIO­TTE AGENCE FRANCE-PRESSE L’Associatio­n des médecins psychiatre­s du Québec a proposé que l’âge légal pour consommer du cannabis soit fixé à 21 ans.

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