Le Devoir

Suspense maintenu autour du film d’Ozon sur la pédophilie dans l’Église

Grâce à Dieu pourrait sortir sur les écrans mercredi. Le tribunal rendra sa décision mardi en fin de journée.

- SOPHIE LAUBIE À PARIS SANDRA LAFFONT À LYON AGENCE FRANCE-PRESSE

La justice française a autorisé la sortie mercredi de Grâce à Dieu, le film de François Ozon sur la pédophilie dans l’Église, malgré l’opposition d’un prêtre inculpé dans ce dossier, mais une autre plainte maintiendr­a le suspense jusqu’au dernier moment.

Le père Bernard Preynat, prêtre lyonnais poursuivi pour agressions sexuelles dans cette affaire dont le jugement sera rendu cette année à une date non précisée, avait assigné en référé le cinéaste pour obtenir un report de la sortie en salles du film, qui a reçu samedi le Grand Prix du jury à la Berlinale, deuxième prix majeur après l’Ours d’or.

« La décision très bien motivée reconnaît que le film — avec les avertissem­ents qui l’accompagne­nt — ne justifie pas les mesures demandées qui menaçaient sa sortie », s’est réjoui lundi Me Paul-Albert Iweins, l’un des deux avocats du producteur et du distribute­ur du film.

Pour Me Emmanuel Mercinier, avocat du père Preynat, le juge « considère que le fait d’insérer un carton à la dernière seconde du film indiquant que le père Preynat bénéficie de la présomptio­n d’innocence répond aux exigences de la loi, la culpabilit­é de ce dernier n’étant dès lors pas présentée comme acquise ».

Il a regretté « amèrement cette décision, non seulement dans l’intérêt du père Preynat, mais plus largement dans l’intérêt général ». « Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n’a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomptio­n d’innocence », a-t-il dit. Selon ses défenseurs, le père Preynat fera appel.

Une seconde plainte

L’ensemble de cette affaire s’est déroulé à Lyon, où une autre audience se tenait lundi qui maintiendr­a pour le film le suspense jusqu’à mardi 17 h (11h au Québec): une ex-membre du diocèse de Lyon, Régine Maire, représenté­e dans le film sous son nom, réclame que son patronyme n’apparaisse pas, au nom de la protection de la vie privée et de la présomptio­n d’innocence.

Le procès du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, et de cinq autres personnes pour non-dénonciati­on d’agressions sexuelles pédophiles dans cette affaire s’est tenu début janvier à Lyon. Le jugement est attendu le 7 mars. Régine Maire a été jugée pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agressions du prêtre.

Grâce à Dieu, qui donne seulement les prénoms des victimes, cite nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire — dont les noms, se justifie François Ozon, « étaient déjà dans la presse ».

Le film raconte la naissance de l’associatio­n de victimes « La Parole libérée », fondée à Lyon en 2015 par d’anciens scouts accusant Bernard Preynat de les avoir agressés sexuelleme­nt, selon trois d’entre eux.

Sa date de sortie avait été programmée en raison de sa sélection à la Berlinale, selon François Ozon, hors de toute considérat­ion judiciaire. François Ozon, prolifique réalisateu­r, avait estimé samedi à Berlin que, si le film était suspendu de projection jusqu’au procès du père Preynat, « ce serait une sorte de censure ».

 ?? CHRISTOPHE ENA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des copies et affiches du film de François Ozon ont déjà été livrées à 307 salles de cinéma à travers la France.
CHRISTOPHE ENA AGENCE FRANCE-PRESSE Des copies et affiches du film de François Ozon ont déjà été livrées à 307 salles de cinéma à travers la France.

Newspapers in French

Newspapers from Canada