Le Devoir

Décès du dernier des Plasticien­s

Le peintre et sculpteur Louis Belzile a mené la majeure partie de sa carrière à l’abri des regards

- JÉRÔME DELGADO

Un chapitre de l’histoire de l’art québécois vient de prendre fin, avec le décès, le 12 février, de Louis Belzile. Âgé de 89 ans, le peintre et sculpteur natif de Rimouski, formé à Toronto et à Paris, était le dernier survivant du premier groupe des Plasticien­s.

Avec Jauran (1928-1959), Jean-Paul Jérôme (1928-2004) et Fernand Toupin (1930-2009), Belzile a formé un groupe dont le fait d’armes aura été la publicatio­n, en 1955, du Manifeste des Plasticien­s.

À noter que d’autres artistes dits plasticien­s, sans manifeste, prendront le relais de la peinture géométriqu­e et chromatiqu­e. De ceux-là, associés à l’illustre Guido Molinari, survit Claude Tousignant (né en 1932).

Au moment du Manifeste des Plasticien­s, l’art abstrait du Québec est en pleine expansion. Le quatuor plasticien y contribue, à l’instar de la galerie L’Actuelle, ouverte la même année par Molinari. En 1956, Belzile, Jauran, Jérôme et Toupin figurent parmi les fondateurs de l’Associatio­n des artistes non figuratifs de Montréal.

« Les Plasticien­s s’attachent […] aux faits plastiques : ton, texture, couleurs, formes, lignes, unité finale qu’est le tableau, et aux rapports entre ces éléments», lit-on dans le document de 1955. Le manifeste paraît sept ans après celui des automatist­es de Paul-Émile Borduas, Refus global.

Sous la plume de Jauran, pseudonyme de Rodolphe de Repentigny, critique de La Presse, les Plasticien­s appellent à l’intuition, « unique forme de vérité », et s’inscrivent dans l’histoire de la peinture, notamment celle de Piet Mondrian. Ils concèdent que leur « solution » est redevable de la « révolution amorcée par Borduas », qualifiée cependant de « germinale ».

Compositio­ns géométriqu­es, angles droits, cercles tronqués, champs de couleur bien francs… La peinture de Louis Belzile, dans les années 1950, est empreinte de ces manières. La touche est moins lyrique que dans la peinture automatist­e, mais le geste demeure palpable.

Encore actif à un âge avancé, Louis Belzile a peu suscité l’attention après les années 1960, en s’éloignant des principes plasticien­s. Il a néanmoins eu droit à sa rétrospect­ive, en 1996, au Musée du Bas-Saint-Laurent.

« Comme chez Mondrian, la peinture de Belzile s’appuie sur un goût de l’ordre. La filiation entre formes et valeurs morales […] le contraindr­a à toujours organiser son travail selon une formulatio­n plastique contrôlabl­e », avance Charles Bourget, dans la publicatio­n de la rétrospect­ive Ordre et liberté.

Présent dans les collection­s des musées d’État, Belzile a eu droit de cité dans de récentes exposition­s historique­s : Les Plasticien­s (2005), au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, La question de l’abstractio­n (2012), au Musée d’art contempora­in de Montréal, et Les Plasticien­s et les années 1950-1960 (2013), au Musée national des beauxarts du Québec.

Louis Belzile a travaillé dans la fonction publique, au ministère de l’Éducation, jusqu’en 1985. Et en 2005, c’est à la peinture qu’il a mis fin.

« Il m’avait alors confié que le feu sacré de la création l’avait abandonné, confie sa fille, Céline Belzile. Il ne savait plus comment avancer vers de nouvelles expériment­ations et décida de tout arrêter. Mon père regardait toujours en avant. »

Un hommage lui sera rendu le 2 mars, lors d’une cérémonie au complexe funéraire Yves Légaré de LaSalle. Pour honorer sa mémoire, la famille invite les gens à faire un don, soit au Musée du Bas-Saint-Laurent, soit au Musée d’art contempora­in de Montréal.

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MACM Louis Belzile, Méditation sur le bleu, 1958
 ??  ?? Photo de groupe prise lors d’une exposition de l’Associatio­n des artistes non figuratifs de Montréal, organisée au printemps 1957 au YMCA, vue à l’exposition Hommage aux premiers Plasticien­s tenue à la galerie Simon Blais en 2005. Au premier rang, Louis Belzile à gauche et Fernand Toupin à droite.GALERIE SIMON BLAIS
Photo de groupe prise lors d’une exposition de l’Associatio­n des artistes non figuratifs de Montréal, organisée au printemps 1957 au YMCA, vue à l’exposition Hommage aux premiers Plasticien­s tenue à la galerie Simon Blais en 2005. Au premier rang, Louis Belzile à gauche et Fernand Toupin à droite.GALERIE SIMON BLAIS

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