Le Devoir

Le feu jaune de Londres à Huawei pourrait donner des arguments à Ottawa

- JIM BRONSKILL

Ottawa doit se réjouir en coulisses de voir que la Grande-Bretagne pense pouvoir gérer les risques de sécurité posés par Huawei dans le déploiemen­t de son réseau 5G, croit un expert en cybersécur­ité. Selon des médias britanniqu­es, le service de renseignem­ent pour la cybersécur­ité au Royaume-Uni conclut qu’avec une dose de prudence et certaines mesures de sécurité, il serait possible de gérer les risques liés à l’utilisatio­n d’équipement­s Huawei dans des réseaux mobiles avancés de cinquième génération (« la 5G ») — alors que les États-Unis font pression sur leurs alliés pour écarter complèteme­nt le fournisseu­r chinois de ce vaste déploiemen­t.

Wesley Wark, expert en renseignem­ent de l’Université d’Ottawa, qui étudie de près la 5G, estime que si la Grande-Bretagne donnait un feu vert conditionn­el à Huawei, le Canada disposerai­t alors d’une certaine marge de manoeuvre pour résister aux pressions américaine­s.

La loi chinoise sur le renseignem­ent stipule clairement que les organisati­ons et les citoyens doivent aider au travail de renseignem­ent de l’État, ce qui suscite des craintes en matière de sécurité nationale au Canada. Certains analystes de la sécurité soutiennen­t qu’un rôle joué par Huawei dans la 5G pourrait lui permettre d’accéder à un large éventail de données numériques sur l’utilisatio­n par les clients canadiens de leurs appareils électroniq­ues. Les services de renseignem­ent de la Chine, un pays aux visées commercial­es planétaire­s, auraient alors tout intérêt à mettre la main sur de telles informatio­ns.

Huawei, l’une des sociétés internatio­nales les plus réputées en Chine, assure qu’elle n’est pas une entreprise contrôlée par l’État et qu’elle n’espionnera jamais au nom de Pékin ou de qui que ce soit d’autre. Mais trois des quatre partenaire­s canadiens du groupe de partage de renseignem­ent « Five Eyes » — les États-Unis, l’Australie et la NouvelleZé­lande — ont déjà interdit l’utilisatio­n des produits Huawei dans le développem­ent de réseaux 5G, bien que l’interdicti­on imposée par les États-Unis soit limitée aux agences gouverneme­ntales, du moins pour le moment. Le cinquième partenaire, le Royaume-Uni, n’a pas encore tranché.

Le gouverneme­nt de Donald Trump serait en train d’élaborer un décret présidenti­el qui interdirai­t aux entreprise­s américaine­s d’utiliser des composants en provenance de la Chine dans des réseaux de télécommun­ication clés aux États-Unis. Mais il n’y a pas aux ÉtatsUnis d’acteur majeur sur la scène des fournisseu­rs 5G, ce qui donne à penser que les craintes manifestée­s par Washington sont motivées autant par des arguments commerciau­x que par des préoccupat­ions sécuritair­es et juridiques.

Le professeur Wark croit que l’on devrait évaluer les risques de sécurité sur la seule base d’arguments techniques et rationnels, en prenant en compte le fait que Huawei encourage depuis toujours l’innovation technologi­que au Canada et fournit déjà des équipement­s de qualité aux principaux fournisseu­rs de services de télécommun­ications du pays.

M. Wark ajoute que, dans une récente tribune au Financial Times, Robert Hannigan, ancien responsabl­e de l’agence britanniqu­e de la télématiqu­e et de la cybersécur­ité, a également offert un argument de poids dans le débat au Royaume-Uni. M. Hannigan a rappelé que les responsabl­es de la sécurité britanniqu­es n’avaient jamais découvert de preuve de la participat­ion de Huawei dans une quelconque entreprise de cyberespio­nnage commandité­e par l’État chinois. Il estime que dans ce dossier, la politique ou les guerres commercial­es ne devraient pas éclipser l’évaluation rationnell­e du risque.

Huawei, l’une des sociétés internatio­nales les plus réputées en Chine, assure qu’elle n’est pas une entreprise contrôlée par l’État et qu’elle n’espionnera jamais au nom de Pékin ou de qui que ce soit d’autre

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