Pas de pilule miracle contre la médicalisation
Certains sujets ne cessent de s’inviter dans les médias, mais on finit parfois par perdre le fil des enjeux au gré des articles. C’est avec un adverbe, « pourquoi », que des étudiants en journalisme de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont tenté de bien expliquer différents sujets d’actualité. Aujourd’hui, la médicalisation fait l’objet d’un troisième et dernier reportage publié par Le Devoir.
Pourquoi y a-t-il autant de diagnostics de troubles de santé mentale chez les jeunes au Québec ?
Le Québec est la province où la consommation de médicaments antiTDAH est la plus élevée au pays. Les Québécois consomment 35 % de la totalité des médicaments de ce type prescrits à travers le Canada, même s’ils représentent moins de 23 % de la population du pays. Et selon la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), 13 % des jeunes du secondaire ont reçu un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). « Il y a vraiment une mode au diagnostic présentement, soutient Anne-Marie Boucher, porteparole de Mouvement Jeunes et santé mentale, qui lutte contre la médicalisation des problèmes sociaux des jeunes et de ses effets. On a tendance à diagnostiquer très rapidement le TDAH, alors qu’en réalité, si on regarde la symptomatologie, pratiquement tout le monde pourrait se faire diagnostiquer comme tel. »
En quoi la médicalisation est-elle un problème ?
La médicalisation — à ne pas confondre avec la médicamentation, qui est le fait d’administrer des médicaments pour soigner un problème de santé chez un patient — est un processus par lequel des problèmes non médicaux sont traités comme s’ils étaient des problèmes médicaux. Il s’agit donc d’apposer un diagnostic sur quelque chose qui n’est pas médical, comme des émotions (lors d’une peine d’amour ou d’un deuil, par exemple) ou des caractéristiques personnelles (comme le degré d’attention ou d’énergie). « En santé physique, il y a des tests qui peuvent être faits pour mesurer et quantifier les choses, il y a des barèmes physiques sur lesquels se rabattre. En santé mentale, c’est ce que la personne décide d’exprimer qui va être l’indicateur. C’est pour cette raison que le contexte doit toujours être pris en compte », précise AnneMarie Boucher.
L’école doit-elle en faire davantage pour contrer la médicalisation des jeunes ?
Les jeunes sont médicamentés de plus en plus tôt. Selon la RAMQ, en 2013, on dénombrait 289 jeunes de 6 à
10 ans et 1575 jeunes de 11 à 15 ans consommant des antidépresseurs, contre, respectivement, 400 et 2236 en 2017. L’école a donc un rôle important à jouer dans l’encadrement de ces jeunes, fait valoir Anne-Marie Boucher. « De façon générale, le milieu scolaire a moins de personnel d’accompagnement qu’avant, déplore-telle. On retrouve également des classes où de plus en plus de jeunes en difficulté sont réunis, et où un jeune très agité va sembler plus dérangeant qu’avant, ce qui mène à une tolérance moins grande à l’égard d’un comportement d’activité intense. »
Quels sont les risques chez les jeunes atteints de troubles de santé mentale ?
Selon des informations recueillies lors d’un forum tenu par le Mouvement Jeunes et santé mentale, les jeunes qui reçoivent un diagnostic de trouble de santé mentale sont généralement plus à risque de réviser à la baisse leurs aspirations et leurs projets. Dans le milieu de la santé, c’est également un enjeu de taille. « Parfois, les personnes qui ont un diagnostic psychiatrique vont avoir de la difficulté à être crédibles face à un médecin lorsqu’elles éprouvent des problèmes de santé physique. On va associer leur malaise physique à leur malaise psychologique, ce qui peut être très dangereux, puisque cela contrevient à leur droit à la santé et à la vie », affirme Anne-Marie Boucher.
La médicalisation est un processus par lequel des problèmes non médicaux sont traités comme s’ils étaient des problèmes médicaux