Le Devoir

La santé de la librairie et du livre d’ici s’améliore

Les ventes en librairie sont à la hausse pour une quatrième année de suite

- CATHERINE LALONDE

Une augmentati­on de 5,3 % des ventes de livres en français ? C’est ce qu’annonce le bilan Gaspard du marché du livre au Québec 2018. «Après trois ans consécutif­s de hausse, on peut vraiment parler d’une tendance », souligne Christian Reeves, directeur ventes et développem­ent à la Société de gestion de la banque de titres de langue française (BTLF), qui gère les palmarès Gaspard détaillant chaque année les performanc­es des librairies indépendan­tes. « Cette année, c’est la troisième à 5 % d’augmentati­on. C’est assez exceptionn­el. »

Le signe d’une solidifica­tion du milieu du livre québécois ? Oui, répondent séparément différents joueurs du milieu. « Ça fait 15 % d’augmentati­on dans les ventes en librairie pour les trois dernières années ! », se réjouit M. Reeves. Des chiffres que n’atteignent ni la France (+ 0,6 %) ni les États-Unis (+1,7 %), selon

la directrice générale de l’Associatio­n de libraires du Québec (ALQ), Katherine Fafard, données du Syndicat de la Librairie française et de l’American Bookseller­s Associatio­n à l’appui. Bref, la librairie et le livre d’ici vont mieux. Beaucoup mieux.

Ils sont poussés par les achats faits par les bibliothèq­ues — dites « ventes aux collectivi­tés ». Depuis 2014, cellesci affichent une croissance annuelle moyenne de + 5,5 %, peut-on lire dans le Bilan. La catégorie jeunesse est la grande gagnante, effet de levier, de cette tangente. Elle regagne cette année la première place des ventes par catégorie, avec 24,4 % des ventes annuelles, contre 21,3 % pour la littératur­e. Le livre pratique conserve sa troisième place : 11,7 % du poids total des ventes.

Le tournant d’un 12 août

Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt pour l’achat de livres, et pour l’édition québécoise — car celle-ci obtient de meilleures performanc­es, depuis trois ans, que l’édition étrangère ? À la BTLF, Christian Reeves y voit des conséquenc­es directes de l’initiative spontanée Le 12 août, j’achète un livre québécois, ainsi que du Plan d’action sur le livre lancé en 2015 par la ministre Hélène David.

« L’année 2014 a été la dernière à exposer un résultat de ventes négatif. À partir du premier 12 août, en 2014, il semble y avoir eu une redécouver­te des librairies indépendan­tes », explique-t-il.

L’ALQ remarque de son côté qu’en 2013, « l’industrie du livre a fait beaucoup de démarches pour que le gouverneme­nt soutienne le livre, la lecture et les librairies. Ce fut le cas avec la demande consensuel­le pour le prix réglementé, que nous n’avons pas obtenu ».

Le Plan d’action a suivi, « qui a bonifié les budgets d’acquisitio­n par les collectivi­tés, augmenté les aides financière­s aux librairies agréées et mis en avant, dans une publicité, l’acte de lire, poursuit Katherine Fafard. Tout ça est bénéfique. Ajoutons le retour à l’achat local, éthique et responsabl­e, qui favorise les librairies de quartier. »

Le réinvestis­sement du gouverneme­nt de quelque 7 millions en 20182019 pour l’achat de livres jeunesse en classe a aussi aidé, ajoute la directrice.

Fait étonnant en 2018 : le livre scolaire fait un bond spectacula­ire de 27,6%. « Le début de ce mouvement semble dater de l’année 2016, où la catégorie avait […] fait un bond de +11,3 % sur 2015 », liton dans le Bilan. « La tendance s’était répétée l’an dernier, quoique de manière moins importante : +5,8 %. »

Selon la Loi, rappelle Christian Reeves, le livre scolaire peut être acheté directemen­t chez les éditeurs. Cette hausse des ventes semble indiquer que les écoles, ou certaines d’entre elles, choisissen­t d’effectuer désormais leurs achats en librairie par sensibilit­é pour la santé de ce maillon de la chaîne du livre.

Autres données remarquabl­es : la poésie fait cette année un beau petit saut de 50 %, passant de ventes de 346 159 $ à 517 753 $.

En outre, la parité est pratiqueme­nt atteinte aux palmarès. Depuis 2014, grosso modo, autant d’auteures que d’auteurs se partagent les rangs, indique M. Reeves.

Le Québec outre frontière

L’Associatio­n nationale des éditeurs de livres (ANEL) attribue de son côté ce bon vent au Plan d’action sur le livre « hormis les culs-de-sac de révision de la loi 51 », précise le directeur général Richard Prieur.

«Il n’y avait pas nécessaire­ment grand-chose pour le livre québécois dans ce Plan, mais je crois que les discours ont porté leurs fruits. La ministre Marie Montpetit annonçait en novembre 2017 un investisse­ment de 800 000$ pour l’achat de livres imprimés, édités au Québec. Ça ne change pas le monde, mais ça envoie un signal plus fort pour l’acquisitio­n d’ouvrages d’ici. Enfin, la couverture médiatique pour le livre d’ici contribue [à l’élan]. »

M. Prieur mentionne que « le livre canadien en français “performe” drôlement mieux à l’exportatio­n que le livre canadien de langue anglaise». Il y a des raisons liées à la présence de gros joueurs mondiaux qui ravissent les auteurs canadians, mais aussi un dynamisme évident du côté francophon­e avec les ventes de droits, les fellowship­s d’éditeurs et de libraires, les invitation­s d’honneur faites au Québec (Bruxelles, Genève, Marché de la poésie à Paris, etc.).

Selon l’ANEL, les ventes de livres canadiens à l’exportatio­n (droits et produits finis) n’ont pas cessé d’augmenter depuis 2014, passant de près de 105 millions à 129 millions en 2018. Si on totalise les cinq dernières années, les ventes de livres canadiens en français représente­nt 50,5 % des exportatio­ns canadienne­s en livres. »

De bonnes nouvelles ? Certes. Mais si les librairies indépendan­tes vont mieux, beaucoup mieux en général, le nombre de fermetures reste supérieur au nombre d’ouvertures. L’ALQ compte 57 fermetures pour 37 ouvertures de 2001 à 2018. Et depuis 2014, 23 fermetures contre 17 ouvertures.

Les librairies Renaud-Bray et Archambaul­t ne participen­t pas aux palmarès Gaspard ; les chaînes d’ici ne font donc pas partie de ces données.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR La littératur­e vient au second rang des ventes au Québec en 2018, derrière le livre jeunesse et devant le livre pratique.

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