Le Devoir

Ottawa rétrocède les dernières terres aux expropriés

- PIERRE SAINT-ARNAUD À MIRABEL

« On a commis une grosse erreur il y a 50 ans. » C’est avec cette rare admission de la part d’un politicien que le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, est venu tourner la dernière page de la triste saga des expropriés de Mirabel, lundi, un demi-siècle après le grand bouleverse­ment provoqué par la constructi­on de l’aéroport.

Il s’était rendu dans la municipali­té pour annoncer qu’Ottawa relance le processus de rétrocessi­on des quelque 750 acres expropriés en 1969. Il s’agit des dernières terres situées à l’extérieur du périmètre de l’aéroport qui n’avaient pas encore été offertes aux expropriés et à leur succession.

Rita Lafond, une des expropriée­s de l’époque, n’a eu aucune crainte de se présenter au micro et de s’adresser au ministre pour dire qu’elle n’avait rien oublié de «cette expropriat­ion abusive qu’on a faite il y a 50 ans ; et je peux témoigner des souffrance­s, des grandes souffrance­s que plusieurs expropriés ont eu à vivre ».

Mais au-delà de la rétrocessi­on, Mme Lafond a aussi demandé un mea culpa officiel : « Avant de fermer la page, est-ce que ce serait possible qu’il y ait des excuses de la part du gouverneme­nt fédéral pour ce véritable tsunami qu’on nous a imposé il y a 50 ans ? » Marc Garneau a toutefois dû décliner, n’ayant pas le mandat de prononcer des excuses formelles au nom du gouverneme­nt, mais il a à tout le moins offert les siennes à titre personnel.

D’éventuelle­s excuses officielle­s ne manqueraie­nt pas de susciter de l’intérêt puisque celles-ci devraient venir du premier ministre Justin Trudeau, alors que les expropriat­ions de Mirabel et le projet d’aéroport qui devait en bout de piste s’avérer un échec monumental sont un héritage de son père, Pierre Elliott Trudeau.

Ces derniers terrains font partie des 11 000 acres de la réserve aéroportua­ire dont la rétrocessi­on avait été annoncée en 2006, amorcée en 2008 et prolongée jusqu’en 2013. Cependant, cette portion de 750 acres avait été exclue du programme de vente parce qu’elle était enclavée et inaccessib­le, un obstacle maintenant levé à la suite d’une entente entre le gouverneme­nt fédéral et la Ville de Mirabel pour y donner accès.

Le gouverneme­nt de Pierre Elliott Trudeau avait exproprié quelque 97 000 acres de terres agricoles en 1969 pour la constructi­on de l’aéroport qui devait devenir la plaque tournante du trafic aérien de passagers dans la région de Montréal. Environ 3000 familles avaient été touchées par ces expropriat­ions. Quelque 80 000 acres de terrains ont été rétrocédés dans les années 1980.

L’aventure s’est avérée un échec sur toute la ligne, culminant avec la démolition de l’aérogare en 2014.

Autre portion

Il reste également une autre portion de terrains inutilisés, mais ceux-ci se trouvent à l’intérieur du périmètre clôturé de l’aéroport et le ministre Garneau a également annoncé la tenue de consultati­ons publiques pour décider du sort qui leur sera réservé. La Ville de Mirabel lorgne depuis fort longtemps ces terres excédentai­res pour son propre développem­ent industriel.

Le ministre Garneau a cependant pris soin de préciser que d’éventuelle­s consultati­ons devront inclure les peuples autochtone­s concernés, en l’occurrence les Mohawks de Kanesatake. Le grand chef Serge Simon était d’ailleurs sur place pour l’occasion et n’a pas manqué de souligner l’ironie de cette rétrocessi­on. « Le ministre Garneau est le premier qui nous a donné un minimum de considérat­ion » dans le cadre du dossier des expropriés de Mirabel, a fait valoir le leader autochtone. « Tous les autres nous ont ignorés. »

Avant de fermer la page, est-ce que ce serait possible qu’il y ait des excuses de la part du gouverneme­nt fédéral pour ce véritable tsunami qu’on nous a » imposé il y a 50 ans ?

RITA LAFOND

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? Des résidents lors de l’annonce, lundi à Mirabel, de la rétrocessi­on de leurs terres 50 ans après qu’ils furent expropriés pour la constructi­on de l’aéroport
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Des résidents lors de l’annonce, lundi à Mirabel, de la rétrocessi­on de leurs terres 50 ans après qu’ils furent expropriés pour la constructi­on de l’aéroport

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