Tant qu’il y a de la vie
Un an après le Pacte pour la transition, Dominic Champagne ne désespère pas
Un an après le lancement du Pacte pour la transition, Dominic Champagne estime que le projet de mobilisation a contribué à amplifier le débat sur le climat au Québec, même si l’objectif de signataires fixé au départ n’a pas été atteint. Il critique toutefois sans détour la classe politique, qui continue selon lui d’ignorer complètement la science et l’urgence d’agir pour éviter le naufrage climatique.
«Il y a un peu plus de 284 000 citoyens qui se sont engagés à poser des gestes pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais le gouvernement Legault n’a pas signé le Pacte, pas plus que le gouvernement Trudeau. Et aujourd’hui, nous attendons toujours les engagements pour des actions concrètes, sérieuses et convaincantes qui nous redonneraient confiance », affirme au Devoir le metteur en scène, qui a mis sa carrière en veilleuse pendant deux ans pour se consacrer à la cause climatique.
M. Champagne répète pourtant qu’il souhaitait « poser un geste de bonne volonté » en lançant le Pacte, quelques semaines après l’élection de la Coalition avenir Québec, « un parti considéré comme un dernier de classe en environnement ».
Les signataires promettaient d’abord de s’engager à agir pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en posant des gestes concrets. En contrepartie, ils exigeaient que les élus mettent en oeuvre un plan climatique qui implique tout l’appareil gouvernemental et qui soit suffisamment ambitieux pour répondre aux exigences de la science climatique, soit atteindre la « carboneutralité » d’ici 30 ans.
« Il y a des gens qui posent déjà des gestes et il faut saluer leurs actions. Mais c’est loin d’être suffisant. Il nous faut un grand projet politique; or, nos politiciens sont loin d’être à la hauteur. »
Dominic Champagne juge pourtant avoir obtenu au départ une certaine « écoute » de la part du gouvernement de François Legault, avant de déchanter dans les mois qui ont suivi le lancement du Pacte. « Oui, le gouvernement a reconnu l’urgence climatique. Mais il faut passer de la parole aux actes. Et je vois bien, dans leurs gestes, qu’ils sont plus enclins à appuyer un projet de gazoduc qu’à mener une véritable lutte contre les changements climatiques. »
Selon lui, certaines prises de position « sont en totale contradiction avec les constats de la science climatique » : l’appui indéfectible au troisième lien, les propos favorables au projet gazier Énergie Saguenay, l’abolition de l’organisme Transition énergétique Québec ou encore la volonté d’augmenter les coupes forestières pour lutter contre la crise climatique.
Une année perdue
« En septembre 2018, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres nous disait que nous avions deux ans pour agir. Force est de constater aujourd’hui que nous avons perdu un an. Un an plus tard, le climat se dérègle, la vie se meurt et nous n’arrivons pas à améliorer les choses de façon significative. Et les premiers responsables de ça, ce sont les dirigeants politiques. »
Les critiques de Dominic Champagne à l’endroit des élus sont souvent sévères. Il le reconnaît lui-même, après avoir traité le gouvernement Legault de « climatosceptique » et après avoir condamné « l’ignorance » du ministre de l’Environnement Benoit Charette, qui avait lui-même dénoncé les gestes de désobéissance civile des militants d’Extinction Rebellion.
Il en rajoute néanmoins, en soulignant en entrevue que le gouvernement de Justin Trudeau sombre dans la « démagogie » et « l’hypocrisie » en affirmant que l’expansion du pipeline Trans Mountain permettra de financer des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le Pacte a contribué à donner un élan à l’éveil des esprits, mais surtout à donner le goût de l’engagement. On le voit bien au Québec, où la mobilisation est la plus forte au Canada »
LAURE WARIDEL
Mobilisation accrue
Au-delà de la confrontation avec les gouvernements en place, M. Champagne
estime que le Pacte, signé jusqu’à présent par 284 066 personnes (alors que l’objectif de départ était d’atteindre un million de signataires), a permis de mobiliser des citoyens selon lui de plus en plus « écoanxieux » face à l’ampleur de la crise climatique.
Un point de vue que partage une autre instigatrice de ce contrat social environnemental, Laure Waridel.
« Le Pacte a contribué à donner un élan à l’éveil des esprits, mais surtout à donner le goût de l’engagement. On le voit bien au Québec, où la mobilisation est la plus forte au Canada. Et on l’a vu avec les 500 000 personnes qui ont marché le 27 septembre. C’est un progrès important, surtout si on se compare avec la situation il y a de cela un an, alors qu’il y avait beaucoup de découragement. »
Le défi consiste désormais à transposer cette mobilisation dans des actions concrètes, selon Mme Waridel, qui vient de lancer l’ouvrage La transition, c’est maintenant, qui met en lumière le fait que les solutions à mettre en oeuvre pour orienter le Québec sur la voie de la transition « existent déjà ».
Dominic Champagne, qui multiplie les prises de parole depuis un an, espère maintenir la mobilisation au cours des prochains mois.
« L’objectif, pour la deuxième année du Pacte, ce sera de maintenir la pression sur les décideurs. Greta Thunberg affirme que si le défi est de cesser les émissions de carbone, alors il faut cesser les émissions de carbone. Est-ce que le plan promis par le gouvernement Legault sera à la hauteur de ce défi ? Je ne sais pas, mais je refuse d’être défaitiste. Certains disent qu’il est trop tard. Mais il serait trop tard pour quoi ? Tant que nous sommes en vie, il faut pousser pour que quelque chose se passe. On ne peut pas simplement laisser la situation se dégrader. »