Le Devoir

Échec de la lutte contre les salons de massage érotique

Le SPVM plaide pour une uniformisa­tion de la réglementa­tion

- AMÉLI PINEDA

Les policiers de Montréal estiment que la réglementa­tion sur les salons de massage érotique doit être uniformisé­e à l’échelle du Québec afin qu’on parvienne à les éradiquer.

« Les municipali­tés devront travailler étroitemen­t pour éviter un déplacemen­t de la problémati­que vers une autre ville en raison de l’absence d’uniformité de la réglementa­tion », a fait valoir Brigitte Barabé, inspecteur au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), de passage jeudi à la commission spéciale sur l’exploitati­on sexuelle des mineurs de l’Assemblée nationale.

Le corps policier montréalai­s a souligné lors de sa présentati­on que la réglementa­tion municipale varie actuelleme­nt non seulement d’une municipali­té à l’autre au Québec, mais aussi d’un arrondisse­ment à l’autre, sur l’île de Montréal.

Cette disparité ne permet pas de freiner efficaceme­nt la proliférat­ion des salons de massages érotiques et amène les abuseurs à simplement déplacer ailleurs les personnes qu’elles exploitent.

À travers la province, plusieurs exploitant­s de salon de massage érotique se cachent derrière des permis de salon de massage destiné aux massothéra­peutes. Certains de ces salons emploient illégaleme­nt des femmes payées pour avoir des relations sexuelles avec leurs clients.

En 2017, l’arrondisse­ment de Rosemont–La Petite-Patrie à Montréal avait réussi à faire cesser les activités de huit salons de massage érotique sur son territoire. Mais la bataille avait été longue puisque, pour interdire les activités, il faut prouver que l’établissem­ent ne respecte pas son certificat d’occupation. Un constat qui ne peut être posé qu’après des semaines d’enquête des inspecteur­s de l’arrondisse­ment.

Dans son mémoire, le SPVM propose de développer une stratégie provincial­e afin d’interdire ou encadrer les lieux d’exploitati­on sexuelle au Québec avec l’aide de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ).

L’UMQ a réagi jeudi, indiquant qu’elle allait prendre connaissan­ce des recommanda­tions.

« Le dossier va assurément être porté prochainem­ent à la commission de la sécurité publique afin de voir de quelle façon on pourra développer des initiative­s avec les différents corps de police de la province », a indiqué Patrick Lemieux, porte-parole de l’UMQ.

Mettre les hommes face à leurs responsabi­lités

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, si malgré la lutte à la prostituti­on, le système d’exploitati­on sexuelle est toujours en place, c’est pour satisfaire les besoins de clients qui restent pourtant de grands inconnus, ont noté les documentar­istes Catherine Proulx et Karine Dubois.

En matinée, les deux femmes ont raconté que dans le cadre de leur documentai­re choc Trafic, elles ont rencontré Kevin, un ancien proxénète, qui confiait : « Montréal aime ça, jeunes, mineures, 18-19 ans ».

« On s’est demandé qui est ce client qui aime ça, jeune?», a mentionné Mme Dubois. « On aurait aimé se faire répondre que ce sont de dangereux pédophiles ou encore des personnes aux désirs sexuels déviants », a-t-elle poursuivi. Or, elles ont plutôt constaté que le client, c’est monsieur Tout-le-Monde.

« Il n’a pas de classe sociale, de métier, d’âge ou d’origine ethnique spécifique­s. Le client, c’est un collègue, un beau-frère, un père de famille ou un époux. En fait, vous connaissez sans doute un client », a précisé Mme Dubois aux députés.

Selon elles, il est temps de mettre les hommes face à leurs responsabi­lités dans ce système.

«Les clients minimisent les gestes qu’ils posent. Ils réalisent leurs fantasmes sans culpabilit­é», a indiqué Mme Dubois. D’ailleurs, la plupart des hommes qui se font prendre par les policiers se voient davantage comme des victimes que comme des criminels.

«Il faut comprendre comment ils en arrivent à se dire que leur comporteme­nt est normal », a fait valoir Mme Dubois.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR En 2017, Rosemont–La Petite-Patrie a réussi à faire fermer huit salons de massage érotique sur son territoire.

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