Le Devoir

Transparen­ce nécessaire pour les nouveaux modèles d’affaires

- Alain Saulnier Professeur invité, Départemen­t de communicat­ion, Université de Montréal

Les médias ont vécu une année très difficile en 2019. Le Groupe Capitales Médias est engagé dans un processus de recherche pour des repreneurs potentiels pour Le Soleil, Le Droit, La Tribune, Le Nouvellist­e, La Voix de l’Est et Le Quotidien. Nous devrions connaître le dénouement de cette opération d’ici le 27 novembre prochain.

Il faut saluer l’initiative significat­ive « Je coopère pour mon journal » mise de l’avant par le personnel des médias concernés et leurs syndicats. Ces campagnes de solidarité suscitent un puissant engagement des citoyens et des citoyennes qui démontrent ainsi leur attachemen­t à leurs médias. Certains de ces médias régionaux profitent également d’un appui solide de leur milieu.

De son côté, La Presse + poursuit la constructi­on pérenne de son OBNL en misant là aussi sur un complément de financemen­t provenant des dons de ses lecteurs et lectrices. Un optimisme prudent semble prévaloir, mais le défi est de taille. C’est que les revenus publicitai­res poursuiven­t leur chute au profit des superpuiss­ances numériques comme Google et Facebook. Près de 80 % des revenus numériques sont aujourd’hui détournés vers ces géants américains.

Quant au quotidien Le Devoir, il poursuit une tradition de philanthro­pie établie depuis quelques années déjà avec Les Amis du Devoir. Une formule qui complète bien un modèle où l’abonnement a fait ses preuves.

Un peu d’air frais

L’aide aux médias mise en place par le gouverneme­nt québécois donne un peu d’air frais à tous ces médias. On attend que le gouverneme­nt fédéral nouvelleme­nt réélu concrétise une aide annoncée il y a près d’une année par le ministre des Finances, Bill Morneau. Avec cet appui, les médias pourront développer des stratégies de développem­ent à moyen et à long terme.

Toute cette effervesce­nce a donné lieu à une prise de conscience de l’importance d’une presse libre et indépendan­te dans toutes les régions du Québec.

Il faut s’en réjouir. Nous en avions bien besoin. Les espoirs nourris par l’exemplaire déterminat­ion du milieu journalist­ique n’auront pas été vains.

Enfin, j’aimerais soulever une préoccupat­ion intimement liée aux nouveaux modèles de propriété envisagés. Ces modèles devront en effet afficher la plus grande transparen­ce auprès du public. Il est rassurant de pouvoir obtenir l’appui financier de donateurs. C’est une note d’espoir.

En revanche, un nouveau problème pourra survenir. Nous devons exiger que tous ces nouveaux modèles d’affaires dévoilent leurs informatio­ns sur leur financemen­t. Il ne faudrait pas assister à une situation où les médias ne seront pas transparen­ts. Qui sont les donateurs ? Y a-t-il des lobbys qui se cachent derrière ces dons ? Quelles sont les règles des conseils d’administra­tion et de gouvernanc­e? Rappelons-nous que les journalist­es ont largement contribué à lutter contre le financemen­t occulte des partis politiques, il ne faudrait pas voir émerger un financemen­t occulte des médias.

Voilà l’obligation des médias et de leurs modèles d’affaires en retour d’une aide gouverneme­ntale. Que les noms des membres des conseils d’administra­tion soient connus. Qu’une liste des donateurs soit publiée chaque année. Ces mesures constituer­aient une garantie de plus que nos médias demeurent libres et indépendan­ts dans les nouvelles formules de modèles d’affaires.

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GETTY IMAGES L’aide aux médias mise en place par le gouverneme­nt québécois donne un peu d’air frais à tous ces médias.

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