LA PARTIE FACILE, L’ÉDITORIAL DE ROBERT DUTRISAC
Au rythme où le gouvernement Legault devance ses promesses électorales quand il s’agit de « remettre de l’argent dans les poches des Québécois », il épuisera son programme dès le prochain budget. Le ministre des Finances, Eric Girard, a présenté une mise à jour économique et financière dopée par « la performance remarquable » de l’économie du Québec, selon les mots du ministre, mais aussi par un écart tout aussi remarquable entre les prévisions des bonzes du ministère quant à l’évolution des taux d’intérêt et la direction qu’ils ont prise en réalité.
Pour l’année en cours, il est prévu que l’État affichera un surplus de 1,4 milliard le 31 mars prochain, et ce, après une hausse de dépenses du même montant, dont un débours de 857 millions pour devancer ses engagements favorisant les familles avec enfants, une tranche importante de l’électorat caquiste.
Ainsi, le gouvernement Legault hausse l’allocation famille, selon son engagement, deux ans plus tôt que prévu, ce qui procurera à 679 000 familles 779 $ de plus par an en moyenne, ce qui n’est pas négligeable. Autre promesse phare qui est devancée de trois ans : l’abolition complète de la majoration du tarif de garde imposée par le gouvernement Couillard et le retour au tarif réduit unique pour les services de garde subventionnés. Les 140 000 familles visées toucheront en moyenne 1100 $ par an. Encore là, ce n’est pas négligeable.
Rendons à César ce qui appartient à César : Eric Girard a corrigé une iniquité qui pénalisait les plus démunis d’entre les démunis. Désormais, les 40 000 prestataires de l’aide sociale qui sont privés du crédit d’impôt pour la taxe de vente du Québec parce qu’ils ne produisent pas de déclarations de revenus obtiendront cette somme. Dans son dernier rapport rendu public en septembre, la protectrice du citoyen, Marie Rinfret, était revenue à la charge pour réclamer qu’on leur verse leur dû.
En même temps que la mise économique et financière, le ministre des Finances a dévoilé les comptes publics qui montrent que, contrairement aux prévisions, le surplus réel pour l’année 2018-2019 n’est pas de 2,5 milliards, mais bien de 4,8 milliards, après le versement de 3,5 milliards dans le Fonds des générations. La vigueur de l’économie québécoise explique la moitié de cet écart considérable et l’autre moitié est imputable à des dépenses moindres.
Les résultats de l’an dernier — un surplus de 8,3 milliards avant le versement au Fonds des générations —, c’est du jamais vu. Dans ce contexte, la cible comprise dans la Loi sur l’équilibre budgétaire, soit une dette brute équivalant à 45 % du PIB, est atteinte dès cette année, six ans plus tôt que l’objectif originel, un an de moins que l’échéancier devancé de l’an dernier.
Fait inusité, Eric Girard annonce déjà qu’une partie du surplus de 1,4 milliard à la fin de l’année en cours sera consacrée au plan d’électrification des transports et de lutte contre les changements climatiques que dévoilera le ministre de l’Environnement, Benoit Charette. C’est un autre signe qu’on foule les « vallées verdoyantes » évoquées par Bernard Landry. Bref, l’état des finances publiques québécoises est reluisant.
Or il est plus facile de remettre de l’argent dans les poches des contribuables que d’améliorer les services publics, même si le gouvernement dispose des fonds pour le faire. On le voit en santé, où les réelles améliorations tardent à se concrétiser.
Alors que les négociations dans le secteur public s’amorcent, l’état exceptionnel des finances publiques a attisé l’appétit des syndicats. Eric Girard a indiqué que, dans sa mise à jour, la hausse de la rémunération des employés de l’État est limitée à l’inflation, soit 2 %. Or les salaires au Québec ont augmenté d’environ 5 % depuis un an. S’il est vrai que les employés de l’État méritent des augmentations décentes, l’accent doit être mis sur l’amélioration des services publics, ce qui passe d’ailleurs par de meilleures conditions de travail pour ceux qui les fournissent.
Québec solidaire a accusé le ministre des Finances de cacher des surplus. Il est vrai que, depuis l’imposition de l’austérité libérale, dans tous les budgets, on prévoyait l’équilibre financier pour aboutir finalement à des surplus. Et il est vrai que les fonctionnaires du ministère des Finances ont l’habitude de garnir de réserves tous les recoins des budgets. Il vaut mieux se tromper en faisant des surplus qu’en affichant des déficits.
N’empêche, et c’est particulièrement vrai en cette période de vaches grasses qui coïncident avec les négociations dans le secteur public, que la tentation est grande de tordre quelque peu les chiffres. Ainsi, il peut être difficile pour le public et les élus d’avoir une image fidèle de la situation, ce qui milite pour la création d’un poste de Directeur parlementaire du budget.
C’est un autre signe qu’on foule les « vallées verdoyantes » évoquées par Bernard Landry. Bref, l’état des finances publiques québécoises est reluisant.