Le Devoir

ON S’ARRACHE LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS, L’ANALYSE D’ÉRIC DESROSIERS

Le Québec n’est pas le seul à revoir ses règles à l’égard des étudiants étrangers ainsi que de leur transition vers le marché de l’emploi. Mais la plupart des autres cherchent plutôt à les assouplir.

- ÉRIC DESROSIERS

Attirer les étudiants internatio­naux, en particulie­r s’ils restent après leurs études, est un moyen de puiser dans le réservoir mondial de talents » OCDE

La concurrenc­e à laquelle se livrent les économies pour attirer à elles les étudiants étrangers et les garder ensuite à la fin de leurs études est tellement féroce que les statistiqu­es officielle­s ont du mal à suivre.

Selon l’OCDE, le total de personnes étudiant à l’étranger a plus que doublé en 20 ans, passant de 2 millions, en 1998, à 5,3 millions, en 2017, dont 3,7 millions se trouvaient dans un pays dit développé. Les États-Unis continuera­ient de mener le bal, avec un peu moins de 400 000 permis délivrés à des étudiants étrangers, en recul de 60% par rapport à 2015 — dont le tiers en raison du resserreme­nt des règles d’immigratio­n parle gouverneme­nt Trump. Venaient ensuite le Royaume-Uni (300 000 permis), l’Australie (163 000) et le Canada, au 4 e rang, avec 136 000 nouveaux permis, soit trois fois plus que dix ans auparavant.

Au total, selon le Bureau canadien de l’éducation internatio­nale (BCEI), les États-Unis comptaient plus d’un million d’étudiants étrangers postsecond­aires en 2017, contre environ 500 000 au Royaume-Uni, 440 000 en Chine, 370 000 au Canada, 330 00 en Australie et 320 000 en France. Selon le gouverneme­nt canadien, il y avait au total plus de 721 000 étudiants étrangers au Canada l’an dernier, dont plus de la moitié vient d’Inde ou de Chine, et à raison d’environ 315 000 en Ontario, 155 000 en Colombie-Britanniqu­e et 83 000 au Québec.

Course internatio­nale

« Attirer les étudiants internatio­naux, en particulie­r s’ils restent après leurs études, est un moyen de puiser dans le réservoir mondial de talents, de compenser de plus faibles capacités aux niveaux inférieurs d’enseigneme­nt, de favoriser l’innovation et le développem­ent des systèmes de production et, dans de nombreux pays, d’atténuer l’effet du vieillisse­ment sur l’offre de la main-d’oeuvre qualifiée », expliquait l’OCDE, il y a deux mois, dans son rapport annuel sur les grandes tendances du monde de l’éducation.

La recherche et l’expérience ont montré que les étudiants étrangers faisaient particuliè­rement de bons candidats à l’intégratio­n sociale et économique en raison de leur maîtrise de la langue, de leur formation reconnue par les employeurs ainsi que de leurs années passées à apprivoise­r les us et coutumes de leur pays d’accueil, rappelait le Conference Board l’an dernier.

Se voyant perdre du terrain par rapport aux autres, le gouverneme­nt britanniqu­e de Boris Johnson vient d’infirmer une décision de sa prédécesse­ure, Theresa May, en assoupliss­ant les règles d’embauche des étudiants étrangers pendant et après leurs études. Alarmé, lui aussi, du recul constant de la France au palmarès des destinatio­ns de choix pour les études, le premier ministre français, Édouard Philippe, s’est fixé pour objectif de doubler le nombre d’étudiants étrangers d’ici 2027 en ne limitant plus, notamment, certains privilèges d’embauche aux seules entreprise­s nouvelles ou innovantes.

L’économie de demain

Ce qui attire les étudiants étrangers au Canada est notamment la qualité de la formation offerte, les frais de scolarité relativeme­nt bas, sa réputation d’ouverture à la diversité et la sécurité de ses rues. C’est aussi, a constaté le BCEI, pour les deux tiers d’entre eux, la perspectiv­e d’y obtenir la résidence permanente et d’y trouver du travail à la fin de leurs études.

Comme dans les autres pays développés, rapporte l’OCDE, ces étudiants étrangers au Canada ne se limitent pas aux seuls secteurs du génie (19 %), des sciences naturelles (12 %) ou des technologi­es de l’informatio­n (7 %). On les retrouve aussi en commerce ou en droit (29 %), en sciences sociales (12 %) ou même en lettres et arts (10 %).

Cela tombe bien, observait récemment un document d’orientatio­n du gouverneme­nt fédéral. Le monde du travail, à l’ère des nouvelles technologi­es, exigera justement de « nouvelles connaissan­ces et des aptitudes particuliè­res, dont la créativité, la souplesse et la capacité d’adaptation, ainsi que des compétence­s en communicat­ion, en résolution de problèmes et en relations intercultu­relles ». Non seulement ces étudiants venus d’ailleurs sont-ils plus susceptibl­es de développer cette souplesse d’esprit, mais qui sait, le fait de les côtoyer pourrait aussi aider les étudiants canadiens qui ont moins tendance que les Européens, et même les Américains, à faire au moins un bout d’étude à l’étranger.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Selon l’OCDE, le total de personnes étudiant à l’étranger a plus que doublé en 20 ans.

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