Le Devoir

Louis-Philippe Gingras offre un troisième album apocalypti­que, mais tropical

Louis-Philippe Gingras lance son troisième disque, le conceptuel Tropicale Apocalypse

- PHILIPPE PAPINEAU

« C’est mon premier album concept ! », se réjouit Louis-Philippe Gingras à la 12e seconde de l’entrevue. Sur ce troisième disque complet, le sympathiqu­e guitariste à la plume colorée et à la voix caverneuse a en effet orienté sa création autour de deux axes : la fin du monde et les rythmes latins. Pas étonnant alors que ce recueil de douze titres soit rassemblé sous le titre Tropicale Apocalypse.

« Quand j’ai juxtaposé les deux mots, ç’avait du sens. Et s’il y a une apocalypse de notre côté de la planète, ça risque de virer tropical ! », rigole Gingras, un Abitibien de naissance et Montréalai­s d’adoption.

Reste que les deux volets du disque sont venus de manières distinctes, mais de la même source : en discutant avec sa douce moitié, raconte-t-il.

« Au début, c’était supposé être un ramassis de plein de tounes, et chez Simone Records, on m’a dit: «L’enveloppe est pas mal serrée, es-tu capable d’attendre un an avant de faire le projet ? ». Et ç’a été une super bonne chose, parce qu’entre les deux, il est arrivé un paquet de discussion­s avec ma blonde sur la fin du monde. On a beaucoup géré de crises d’écoanxiété, même si moi j’étais un peu bonhomme face à ça. »

Sur Tropicale Apocalypse, à travers des chansons belles ou drôles (souvent un peu des deux) souvent campées dans les rues de Montréal, Gingras nous parle d’inondation­s, de volcan qui explose, de technicien­s de scène devenus zombies ou de la réaction (ou de son absence) des Terriens devant une série d’événements rappelant les plaies d’Égypte.

« En fait on devrait tous vivre avec ces crises d’anxiété là, qui dans le meilleur des mondes ne seraient pas paralysant­es, mais qui nous forceraien­t à nous mobiliser, croit Louis-Philippe Gingras. Oui, ça arrive parfois, mais même là, on parle davantage du fait qu’on a changé l’Halloween de date que des changement­s climatique­s. Greta est passée à Montréal, mais on est déjà passé à autre chose. »

Sur ce nouveau disque, l’apocalypse est aussi toute personnell­e et aussi plurielle pour Gingras. Ce sont parfois les plaques tectonique­s de l’amour qui créent des remous, même si sa relation dure encore trois ans plus tard, assure le chanteur.

«Je pense que dans une relation il peut y avoir plusieurs petites apocalypse­s qui arrivent à différente­s places.

C’est gérer les santés mentales de l’un et de l’une, confie celui qui a toujours parlé très ouvertemen­t de sa maladie affective bipolaire. On n’a pas une relation bossa-nova, straight, où tout va bien tout le temps, mais j’ai jamais autant écrit en étant en couple ! »

Album chaleureux

L’autre volet de ce disque concept vient aussi de conversati­ons de couple, pendant lesquelles la blonde de Louis-Philippe Gingras l’a incité à créer des chansons sur des rythmes chauds qui jouaient très souvent à la maison sur la table tournante : du calypso, de la musique cubaine, de la bossa, des airs classiques hawaïens…

« J’en avais jamais joué profession­nellement, raconte Gingras, qui a réalisé son disque. Mais c’est mon album le plus chaleureux, je pense. Ça met vraiment les instrument­s en valeur, on entend beaucoup plus le timbre des guitares aussi. Et d’un style à l’autre, il y a plein d’approches différente­s, et c’est très instrument­al aussi. »

Au fil de Tropicale Apocalypse, il y a aussi trois morceaux narrés par le comédien Pierre Lebeau, qui viennent encadrer joliment les morceaux de Gingras. « Je cherchais une voix encore plus caverneuse que la mienne », dit le chanteur en rigolant. Il a bien pensé, dans un désir un peu fou, inviter Tom Waits — qui aurait certaineme­nt aimé le morceau Gwendolina —, ou même Morgan Freeman. Qui ne risque rien n’a rien, pourrait-on dire. Mais de façon plus réaliste, Pierre Lebeau était un choix tout désigné, « d’autant qu’il a embarqué presque à l’aveugle, il m’a dit qu’il aimait prendre des risques ».

Ces trois titres étonnants et détonants donnent aussi un ton plus sérieux au disque de Louis-Philippe Gingras, qui a toujours aimé mélanger le poétique à beaucoup de comique. Ce troisième disque le révèle moins dans le déconnage.

«J’écris moins de niaiseux depuis que j’ai un projet avec Julien Corriveau [Les Appendices], Corps gras, qui va vraiment loin, où on se fait rire. C’est comme un exutoire. »

Notez, le musicien dit «moins» et non « plus » de niaiseux. Gingras estime que ses plus comiques, comme Deux pouces ou Apocalypso, permettent de dynamiser les concerts. « De toute façon, je ne suis pas capable de livrer trois tounes prenantes de relation de couple en ligne, il y en a une dans la gang qui va juste passer dans le beurre. Je ne suis pas Jacques Brel ! Et puis les pièces funny dans un spectacle, c’est comme une joke dans des funéraille­s : c’est les meilleures parce que tout le monde a besoin de rire. »

Mais les funéraille­s ne sont pas pour tout de suite, il reste encore la fin du monde à attendre.

Tropicale Apocalypse

Louis-Philippe Gingras

Simone Records

En magasin le 15 novembre. En concert au Coup de coeur francophon­e le 13 novembre au Café Cléopâtre, à Montréal.

On devrait tous vivre avec ces crises d’anxiété là, qui dans le meilleur des mondes ne seraient pas paralysant­es, mais qui nous forceraien­t à nous mobiliser »

LOUIS-PHILIPPE GINGRAS

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Louis-Philippe Gingras a toujours aimé mélanger le poétique à beaucoup de comique. VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR

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