Le Devoir

Frulla et Beaudoin guideront la réforme du statut de l’artiste

Le rapport des deux anciennes ministres québécoise­s de la Culture est attendu pour l’été 2020

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Les deux lois sur le statut de l’artiste seront bel et bien révisées, a confirmé le gouverneme­nt Legault lundi. Mais il faudra attendre un moment pour voir les contours de la réforme annoncée : deux anciennes ministres de la Culture mèneront tout d’abord des consultati­ons. Ce sont Liza Frulla et Louise Beaudoin — deux ministres qui ont eu des mandats marquants à la Culture dans les années 1990 — qui dirigeront ce processus de consultati­ons. Elles devront rencontrer les regroupeme­nts concernés par la révision des lois, puis faire des recommanda­tions. Une consultati­on en ligne sera aussi menée. Leur rapport est attendu pour l’été 2020.

Et ensuite ? La ministre de la Culture, Nathalie Roy, n’a pas d’échéancier précis. « On va laisser le processus législatif suivre son cours, a-t-elle dit. Mais c’est une promesse électorale et on va la remplir. » Mme Roy parle d’une révision que « le milieu attend depuis au moins dix ans ». « Ces lois sont fondamenta­les parce qu’elles régissent le cadre de travail de nos artistes et artisans», a-t-elle noté en soulignant le «caractère désuet» de celles-ci. Les deux lois en question ont été adoptées il y a plus de 30 ans. « Il est temps de trouver des pistes de solution pour les moderniser, les améliorer », estime la ministre Roy.

Liza Frulla (qui a été ministre libérale de la Culture, à Québec, et du Patrimoine, à Ottawa) et Louise Beaudoin n’entendent pas « tout jeter à la poubelle », mais plutôt chercher à recenser « les noeuds et les difficulté­s ». « C’est au fur et à mesure des travaux qu’on va voir jusqu’à quel point les besoins de modificati­ons et d’actualisat­ion des lois sont nécessaire­s », a indiqué Mme Beaudoin, ancienne ministre péquiste.

L’annonce de la création de ce comité de consultati­ons survient 18 mois après la présentati­on de la nouvelle politique culturelle du Québec. À ce moment, le premier ministre Couillard avait promis — sans détails — de réviser les deux lois sur le statut de l’artiste, un engagement qui avait été unanimemen­t salué… mais qui est resté lettre morte après les élections d’octobre 2018.

Le gouverneme­nt s’engage, au terme de cet exercice, à s’assurer que les créateurs, diffuseurs et producteur­s culturels évoluent dans un cadre de travail équitable et adapté aux nouvelles réalités du milieu NATHALIE ROY

La première loi encadre le travail des artistes de la scène, du disque et du cinéma ; la seconde est pour les artistes visuels et de la littératur­e. Ce sont des lois qui déterminen­t les critères permettant de reconnaîtr­e le statut profession­nel d’un artiste, et d’encadrer les relations entre les artistes et leurs producteur­s. Elles établissen­t aussi le processus de reconnaiss­ance des associatio­ns qui représente­nt les artistes.

Bon accueil

Plusieurs intervenan­ts du milieu culturel — tant du côté des producteur­s que des artistes — se sont dits heureux lundi de voir le projet ressurgir. « On l’attend depuis si longtemps, indiquait Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes (UDA). C’est clairement un pas en avant. » Durant les consultati­ons qui débutent, l’UDA demandera notamment que les deux lois indiquent clairement « que le seul tribunal qui a compétence juridique [pour juger des litiges touchant le statut d’artiste] doit être le Tribunal administra­tif du travail », selon Mme Prégent. « À l’heure actuelle, le tribunal renvoie souvent la balle à la Cour supérieure, qui la renvoie au tribunal. C’est long, c’est cher et les problèmes ne se règlent pas. »

L’UDA militera aussi pour un mécanisme qui bloquerait les subvention­s octroyées à des producteur­s qui ne respectera­ient pas les contrats signés avec les artistes.

À l’UNEQ (Union des écrivaines et des écrivains québécois), la présidente, Suzanne Aubry, se réjouissai­t aussi de la décision du gouverneme­nt. L’UNEQ fait valoir depuis longtemps que la loi qui concerne les artistes de la littératur­e comporte une faille majeure : « Les syndicats profession­nels regroupant les écrivains et les artistes en arts visuels sont pour ainsi dire privés du droit à la négociatio­n collective », rappelait Mme Aubry lundi. « Pour le moment, les auteurs sont seuls pour négocier. Des éditeurs ont d’excellents contrats, mais ce n’est pas le cas partout, et on n’a pas de prise là-dessus. »

Les producteur­s face aux artistes

Du côté des producteur­s, l’Associatio­n des agences de communicat­ion créative (A2C) s’est aussi montrée favorable aux travaux qui s’amorcent. L’A2C représente notamment le milieu publicitai­re, qui fournit quelque 30 millions en rémunérati­on par année pour les artistes, selon la p.-d.g., Dominique Villeneuve. «Nous croyons qu’une modernisat­ion de la Loi permettra d’accélérer les négociatio­ns d’ententes collective­s, dit Mme Villeneuve. Présenteme­nt, le cadre réglementa­ire manque de rapidité et de flexibilit­é. »

« On va suivre de près le processus pour s’assurer qu’on conserve un équilibre dans le domaine délicat des relations de travail entre artistes et producteur­s», a pour sa part mentionné Hélène Messier, p.-d.g. de l’Associatio­n québécoise de la production médiatique. « Il ne faut pas imposer aux producteur­s des exigences impossible­s à respecter, légalement et financière­ment. »

À cela, Suzanne Aubry ajoute toutefois que ce sont des « lois sur le statut de l’artiste, et non pas du diffuseur ». Mais il y a moyen de satisfaire tout le monde, croit la ministre Roy. «Le gouverneme­nt s’engage, au terme de cet exercice, à s’assurer que les créateurs, diffuseurs et producteur­s culturels évoluent dans un cadre de travail équitable et adapté aux nouvelles réalités du milieu », a promis Nathalie Roy.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Liza Frulla (à gauche) a été ministre libérale de la Culture, à Québec, et du Patrimoine, à Ottawa. Quant à Louise Beaudoin, elle a eu un mandat marquant à la Culture dans les années 1990.

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