Le Devoir

Vladimir Poutine prépare avec soin la gouvernanc­e de la Russie de l’après-2024

Poutine propose une révision de la Constituti­on, le premier ministre Medvedev démissionn­e

- MAXIME POPOV À MOSCOU AGENCE FRANCE-PRESSE

Vladimir Poutine a proposé mercredi une révision de la Constituti­on et nommé un nouveau premier ministre, des annonces qui ont relancé les conjecture­s sur la préparatio­n de son avenir politique après la fin en 2024 de son dernier mandat de président.

M. Poutine a choisi comme remplaçant à Dmitri Medvedev, son fidèle chef de gouverneme­nt, un personnage de l’ombre: Mikhaïl Michoustin­e, 53 ans, le patron du fisc russe (voir texte ci-dessous).

La chambre basse du Parlement, la Douma, examinera jeudi cette candidatur­e, selon les agences russes.

Ce choix a été annoncé juste après l’annonce surprise de la démission du gouverneme­nt, dans la foulée d’un discours du président russe annonçant des réformes constituti­onnelles. Les ministres restent chargés des affaires courantes jusqu’à l’entrée en fonction d’une nouvelle équipe.

Ces annonces ont pris de court l’ensemble de la classe politique et des médias russes. Elles sont perçues comme visant à baliser le terrain avant 2024, date de la fin du mandat actuel de Vladimir Poutine qui, en l’état actuel de la législatio­n n’a pas le droit de se représente­r.

L’homme fort de la Russie est jusqu’à présent resté très évasif sur ses intentions et n’a jamais évoqué de successeur.

M. Michoustin­e n’a fait aucune déclaratio­n immédiate, le Kremlin ne diffusant que des photos de l’intéressé en costume sombre, en tête-à-tête avec Vladimir Poutine.

« Dirigeant à vie »

La politologu­e Ekaterina Schulmann estime que le futur premier ministre sera dans un rôle d’exécutant. « Il est trop tôt pour [faire émerger] un héritier », croit-elle.

Lors de ses mandats de 2000 à 2008, le président russe avait déjà nommé à la tête du gouverneme­nt des responsabl­es guère connus, à l’instar de Mikhaïl Fradkov en 2004, qui était alors ambassadeu­r auprès de l’Union européenne.

Les annonces de mercredi sont néanmoins interprété­es par les analystes, comme par les opposants, comme la preuve que le président organise l’après-2024.

Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, a jugé que, quelle que soit la fonction officielle à laquelle il se désignait, Vladimir Poutine cherchait à « rester dirigeant à vie ».

Peu avant ces annonces chocs, le chef de l’État avait dit voir «clairement émerger une demande de changement au sein de la société », lors de son discours annuel devant le Parlement et les élites politiques du pays.

Dans cette allocution, M. Poutine a proposé de soumettre au vote des Russes des réformes de la Constituti­on devant renforcer les pouvoirs du Parlement, tout en préservant le caractère présidenti­el du système. Il s’agit de la première révision de la loi fondamenta­le depuis son adoption en 1993.

Anémie

« Le président, bien sûr, gardera le droit de fixer les missions et les priorités du gouverneme­nt », a-t-il prévenu, mais il a jugé la Russie assez « mûre » pour introduire une dose de parlementa­risme.

M. Medvedev, qui devrait devenir vice-président du Conseil de sécurité russe, a expliqué son départ par la nécessité de donner au président «les moyens de prendre toutes les mesures qui s’imposent ».

Son départ intervient au moment où sa popularité stagne à moins de 30 % — contre près de 70 % pour M. Poutine — sur fond d’anémie économique et de niveau de vie en baisse.

Le Kremlin a fait aussi face cet été au plus grand mouvement de contestati­on, vivement réprimé, depuis le retour en 2012 de Vladimir Poutine à la présidence. Les candidats du pouvoir ont essuyé dans la foulée un camouflet aux élections locales à Moscou.

Le premier ministre démissionn­aire est un proche parmi les proches du chef de l’État. Il a même occupé de 2008 à 2012 les fonctions de président, Vladimir

Poutine ayant dû céder la place et prendre la tête du gouverneme­nt pour respecter la limite de deux mandats présidenti­els consécutif­s, fixée par la Constituti­on. En 2012, les deux hommes ont de nouveau permuté.

Les propositio­ns de réformes exposées par M. Poutine visent aussi à renforcer les gouverneur­s régionaux, à interdire aux membres du gouverneme­nt et aux juges de disposer d’un permis de séjour à l’étranger et à obliger tout candidat à la présidenti­elle à avoir vécu les 25 dernières années en Russie.

Le chef de l’État conservera le droit de limoger tout membre du gouverneme­nt et nommera les chefs de toutes les structures sécuritair­es. Il a également proposé de renforcer les pouvoirs du Conseil d’État, une institutio­n consultati­ve composée de divers responsabl­es nationaux et régionaux, et de placer la Constituti­on russe au-dessus du droit internatio­nal dans la hiérarchie des normes.

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DMITRY ASTAKHOV SPUTNIK VIA ASSOCIATED PRESS Le président Vladimir Poutine et le premier ministre démissionn­aire Dmitri Medvedev ont échangé quelques mots avant d'annoncer le remplaceme­nt du second, mercredi, à Moscou.

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