Le Devoir

Stephen Harper veut barrer la voie à Jean Charest

Stephen Harper interviend­rait pour tenter de barrer la route à Jean Charest dans la course à la direction qui s’amorce avec l’annonce de la candidatur­e de Peter MacKay

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Jean Charest a vu arriver mercredi non pas un, mais deux écueils à son éventuelle candidatur­e à la chefferie du Parti conservate­ur. Son ancien collègue Peter MacKay a confirmé qu’il fera partie des candidats vedettes de la course. Et il a été révélé que Stephen Harper se prépare à tenter de barrer la route à l’ancien premier ministre québécois.

M. Harper a en effet quitté de façon inattendue, la semaine dernière, le Fonds du Parti conservate­ur — l’organisme de financemen­t de la formation politique. «Il a quitté son poste au Fonds conservate­ur. Le Fonds le remercie pour son travail acharné au sein du conseil d’administra­tion et lui souhaite le meilleur », a confirmé le porte-parole du parti, Cory Hann, après que le magazine Maclean’s a révélé la nouvelle.

Dans les coulisses conservatr­ices, on raconte que Stephen Harper souhaitait avoir les coudées franches pour se mêler de la course — ce qui lui était interdit, à titre de membre des instances du parti.

« Son intention, en quittant le Fonds, était de se libérer de cette obligation de rester neutre afin de pouvoir faire campagne », a expliqué une source au Devoir. « Il voulait avoir un rôle plus actif. Pas nécessaire­ment pour faire campagne pour quelqu’un en particulie­r, pour l’instant, mais plutôt pour faire campagne contre une personne, c’està-dire Jean Charest. »

L’ex-premier ministre fédéral a reçu des appels de nombreux aspirants candidats à la chefferie, ces dernières semaines, qui voulaient sonder son opinion quant à leur possible candidatur­e. M. Harper encourage les ambitions de tous ses anciens collègues, mais pas celles de M. Charest. «Il croit que M. Charest a une vision bien différente de ce que devrait être le Parti conservate­ur, […] que le programme politique de Jean Charest ressembler­ait beaucoup à celui du Parti libéral du Québec », dit une deuxième source du Devoir.

L’ex-ministre Peter MacKay, qui a confirmé qu’il avait l’intention de se lancer dans la course, est issu, comme Jean Charest, de l’ancien Parti progressis­te-conservate­ur. Sa plateforme risque donc de proposer elle aussi que le Parti conservate­ur renoue avec certaines positions plus progressis­tes. Mais M. MacKay a travaillé sous la gouverne de M. Harper au sein du nouveau Parti conservate­ur, créé après la fusion de l’Alliance canadienne et du PPC que dirigeait alors M. MacKay.

Jean Charest a en outre, et surtout, eu quelques différends avec M. Harper lorsqu’il était premier ministre du Québec. M. Charest a notamment fait enrager M. Harper lorsqu’il a recyclé les sommes versées par Ottawa pour corriger le déséquilib­re fiscal en baisses d’impôt pour les Québécois. M. Harper a également fait l’objet de nombreuses motions unanimes de l’Assemblée nationale critiquant son gouverneme­nt lorsque M. Charest était à la tête du gouverneme­nt québécois.

Charest en mauvaise posture ?

Autre embûche possible pour Jean Charest : Brian Mulroney réserverai­t ses appuis à Peter MacKay, plutôt qu’à lui. Les collecteur­s de fonds proches de M. Mulroney font déjà des appels pour aider M. MacKay. « C’est ce que ça veut dire, que d’avoir M. Mulroney dans votre camp : de l’argent, et de l’argent au Québec aussi », résume une troisième source.

D’autre part, le sénateur québécois Leo Housakos a affirmé publiqueme­nt qu’il estimait que M. Charest n’a pas les appuis nécessaire­s pour gagner la chefferie.

Jean Charest n’a pas encore annoncé s’il se lancera dans la course.

Un appel de Stephen Harper à appuyer «n’importe qui sauf Charest» risque toutefois d’avoir un poids important auprès des membres conservate­urs, selon notre première source. « Son opinion compte pour plusieurs conservate­urs. Ce sera une côte difficile à remonter. »

La troisième source conservatr­ice prédit en revanche que M. Harper se gardera une petite gêne en tentant de

Autre tuile pour l’ancien premier ministre au Québec : Brian Mulroney aurait jeté son dévolu sur Peter MacKay

freiner Jean Charest, de peur de faire plus de tort que de bien en rebutant des conservate­urs qui appuieraie­nt le politicien québécois et qui seraient furieux de voir l’establishm­ent du parti faire campagne contre lui. « Il y a un gros risque de voir le parti se diviser à nouveau, entre Parti réformiste et progressis­tes-conservate­urs, ou entre des factions régionales. Pour un ancien premier ministre, je crois que c’est sa préoccupat­ion première. »

MacKay se lance… presque

Peter MacKay a mis un terme au suspense, quant à lui, en annonçant sur Twitter qu’il sera de la partie. « J’y vais ! Restez à l’écoute », a-t-il gazouillé.

L’ex-ministre de la Justice, de la Défense et des Affaires étrangères sentait la pression pour qu’il précise ses intentions et il a donc souhaité « donner un signal», a-t-on indiqué dans son entourage. Il lancera officielle­ment sa campagne la semaine prochaine en Nouvelle-Écosse.

Député fédéral de 1997 à 2015, M. MacKay avait passé son tour lors de la dernière course à la chefferie, en 2017. Peu après la défaite électorale des conservate­urs cet automne, il avait déclaré qu’à son avis, le chef Andrew Scheer avait raté son coup alors qu’il était en échappée devant un filet désert.

M. MacKay a recruté des stratèges qui avaient fait campagne pour Maxime Bernier lorsque celui-ci est arrivé deuxième derrière M. Scheer il y a trois ans.

La députée ontarienne Marilyn Gladu est la seule autre candidate à avoir confirmé ses intentions. Ses collègues Pierre Poilievre et Erin O’Toole s’apprêterai­ent à faire de même. L’exchef intérimair­e Rona Ambrose serait toujours en réflexion, tout comme le député québécois Gérard Deltell.

Les aspirants candidats ont jusqu’au 27 février pour se lancer dans la course. Les conservate­urs choisiront leur nouveau chef le 27 juin.

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