Entre colère et espoir d’obtenir justice
Les proches des victimes de l’avion civil abattu par l’Iran espèrent que le groupe international saura faire éclater la vérité et obtenir des compensations
Tandis que les représentants de pays endeuillés s’apprêtent à se rencontrer à Londres, jeudi, des proches des victimes de l’écrasement d’avion survenu à Téhéran une semaine plus tôt continuent à exiger la tenue d’une enquête approfondie.
«Arvin, c’était mon frère jumeau. On a partagé les plus grands moments de notre vie. C’est une partie de moi qui s’en est allée », explique au téléphone d’une voix douce Armin Mottarab, après un long silence. Son frère, Arvin Mottarab, et la femme de ce dernier, Aida Farzaneh, ont péri dans l’écrasement du vol PS752 qui a fauché 176 vies.
Le trentenaire en colère s’accroche pour l’instant à une chose : qu’une enquête crédible révèle la vérité et que justice soit faite. C’est ce qu’il a répété lors d’une rencontre avec le premier ministre, Justin Trudeau, mardi, où le Canada a offert une aide consulaire d’urgence aux membres des familles des victimes désireux de se rendre rapidement en Iran.
Peut-être une étape importante dans le dossier sera-t-elle franchie jeudi. Le Groupe international de coordination et d’intervention pour les familles des victimes du vol PS752 se réunira pour la première fois au haut-commissariat du Canada à Londres, à l’invitation du ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne. Le Canada, l’Ukraine, la Suède, l’Afghanistan et le Royaume-Uni font partie de ce groupe, mais pas l’Iran.
« Cette démarche a pour but de permettre aux familles et aux proches des victimes d’obtenir les réponses qu’ils méritent, d’assurer la responsabilité et la transparence, ainsi que d’obtenir justice, y compris une indemnisation», stipule un communiqué ministériel.
Mercredi, en conférence de presse à Ottawa, le secrétaire parlementaire du premier ministre, Omar Alghabra, a indiqué qu’Ottawa envisageait « activement» le versement de compensations provisoires aux familles en attendant celles de l’Iran et de la ligne aérienne Ukraine International.
M. Alghabra a ajouté qu’aucune dépouille de victime canadienne n’avait encore été rapatriée au pays. « Le processus pour identifier les restes humains se poursuit », a-t-il expliqué.
Par ailleurs, le gouvernement examine la possibilité d’affréter un avion pour rapatrier les dépouilles, a expliqué le ministre des Transports, Marc Garneau.
Une femme « aimante »
Dans le cas des proches canadiens d’Arvin Mottarab et d’Aida Farzaneh, cette possibilité ne serait d’aucun secours. Les deux Montréalais n’étaient pas encore citoyens canadiens et leurs corps ont été remis à leurs familles respectives en Iran, mercredi.
Armin Mottarab dit être «enragé» envers le gouvernement de son pays d’origine. Il s’est d’ailleurs vidé le coeur dans une longue missive qu’il distribue autour de lui et aux médias.
«Ce qu’on voit en ce moment en Iran, c’est de la totale incompétence. Ce sont des criminels ! »
Dans sa lettre, il dit avoir lu dans la presse iranienne que le gouvernement a menacé les familles, les enjoignant à ne pas parler aux médias étrangers sous peine d’être considérées comme traîtres à la nation — une rumeur que n’a pas voulu confirmer le ministre Garneau, devant les journalistes.
Parmi les victimes du vol PS752, on compte aussi Niloufar Sadr. Mère de trois enfants, Mme Sadr a vécu 15 ans à Montréal où elle possédait une galerie d’art, avant de déménager à Toronto il y a quelques années.
À travers ses larmes, sa fille, Asieh Banisadr, parle d’elle comme une femme « aimante et attentionnée ».
Asieh Banisadr voit d’un bon oeil la rencontre entre les représentants des pays dont les ressortissants étaient dans le vol qui s’est écrasé, mais elle ne voudrait pas que les accusations prennent le pas sur l’hommage qui doit être fait aux « innocentes victimes ».
« Je connais la politique et elle est sale partout, en Iran comme aux États-Unis », a lancé cette mère de famille âgée de 40 ans, dont le grand-oncle a été le premier président élu de la République islamique en 1980.
« Je ne sais pas comment ça va se passer avec le gouvernement iranien pour [rapatrier le corps], je ne veux pas spéculer », a-t-elle dit. Pour l’heure, Asieh Banisadr souhaite se consacrer à honorer la mémoire des disparus et à l’hommage à sa mère qui aura lieu samedi.
Téhéran parle de mensonges
Mercredi, le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, Mohammad Javad Zarif, a parlé de « mensonges » pour décrire les affirmations initiales de Téhéran, qui a réfuté pendant plusieurs jours la thèse du missile.
« Ces derniers soirs, nous avons vu des gens dans les rues de Téhéran manifester contre le fait qu’on leur avait menti pendant quelques jours », a-t-il déclaré lors d’un sommet international, à New Delhi.
Toutefois, le ministre Zarif a soutenu que le président Hassan Rohani et luimême avaient seulement appris vendredi — soit trois jours après l’écrasement — qu’un missile iranien était en cause. Les Gardiens de la révolution étaient pour leur part bien au courant. Le général Amir Ali Hajizadeh a soutenu mercredi à la télévision qu’une confession immédiate aurait mis en jeu la sécurité du pays.
Figure politique modérée, M. Rohani a plaidé pour une meilleure gouvernance en Iran, où les candidats aux élections doivent obtenir l’aval du clergé chiite. « Le peuple veut de la diversité », a-t-il dit durant le conseil des ministres, en appelant à une « réconciliation nationale ».
L’ayatollah Ali Khamenei, plus haut responsable religieux et chef d’État, pourrait se prononcer sur la situation dès vendredi, quand il présidera la grande prière, pour la première fois en huit ans.
Je ne sais pas comment ça va se passer avec le gouvernement iranien pour [rapatrier le corps], je ne veux pas spéculer
ASIEH BANISADR