Le Devoir

Roberge renonce à imposer l’école jusqu’à 18 ans

La décision du ministre de l’Éducation suscite des réactions mitigées

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, renonce à l’engagement qu’il prenait dans ses chroniques de « prof idéaliste » et recule sur la promesse caquiste de rendre l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans.

« Tout n’a pas une solution légale », a-t-il déclaré mercredi.

Dans le chapitre «L’école jusqu’à 18 ans » de son livre Et si on réinventai­t l’école ?, l’ex-enseignant proposait en 2016 de rendre « illégale l’embauche d’un jeune de 18 ans qui est ni aux études ni diplômé ». Il soulignait que l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et «pas moins de 21 États américains» ont rendu l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans. « Pourquoi nos exigences devraient-elles être inférieure­s aux leurs ? » demandait-il.

Pourquoi ? Parce que la fréquentat­ion scolaire est une « obligation sociale » et ne doit pas prendre la forme d’une « obligation légale, pénale, qui va mener à des arrestatio­ns et des pénalités», estime désormais Jean-François Roberge.

Dans une mêlée de presse mercredi, il a confirmé la volte-face de son parti, dont le chef a défendu la fréquentat­ion scolaire jusqu’à 18 ans dans le passé.

« En 2016, nous croyons, à la CAQ, que l’école devrait être obligatoir­e jusqu’à 18 ans ou jusqu’à l’obtention d’un diplôme », déclarait François Legault il y a quatre ans.

Son parti proposait en outre d’interdire aux décrocheur­s de moins de 18 ans de travailler pendant les heures habituelle­s de classe. De quoi les empêcher de « tomber dans le piège », celui de « quitter l’école à 16 ans pour gagner des sous plutôt que de perdre son temps », comme l’écrivait Jean-François Roberge dans son livre.

Des suggestion­s qu’il faisait dans cet ouvrage, le ministre a en revanche retenu celle visant à accorder davantage de ressources aux Carrefours jeunesse-emploi pour accompagne­r les décrocheur­s. « On [ne va] pas signaler ces gens-là au poste de police ; on [va] faire appel à nos partenaire­s pour les accompagne­r », a-t-il suggéré.

Pas d’impact maximal

Or, pour avoir un « impact maximal » sur le taux de diplomatio­n, ces mesures d’accompagne­ment devraient précéder une modificati­on de la loi, croit Égide Royer, professeur titulaire en adaptation scolaire à l’Université Laval. À son avis, le seul fait de rendre l’école obligatoir­e jusqu’à 18 ans permettrai­t à 1500 jeunes de plus d’obtenir leur diplôme, chaque année.

« Il [le ministre] est en train d’ouvrir la Loi sur l’instructio­n publique avec le projet de loi 40. Il est allé sur des choses aussi pointues [que la révision de notes]. Mais qu’il ne touche pas à la question de la fréquentat­ion scolaire obligatoir­e jusqu’à 18 ans, c’est curieux », a-t-il dit.

Les représenta­nts de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE) et la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) se sont en revanche réjouis de la décision du ministre. « On peut-tu s’occuper des élèves qui doivent fréquenter l’école jusqu’à 16 ans avant de penser à prolonger de deux ans la fréquentat­ion obligatoir­e?», a demandé le président de la FAE, Sylvain Mallette.

À la FSE, la présidente Josée Scalabrini pense qu’il était possible de garder les jeunes dans le système d’éducation jusqu’à 18 ans et de leur permettre « d’aimer l’école » en « assurant » la prestation de services adéquats dans le milieu.

Une autre promesse rompue

La députée libérale Marwah Rizqy a ironisé sur le revirement du ministre Roberge, qui a en outre renoncé à augmenter les exigences d’admission aux baccalauré­ats en enseigneme­nt. « Moi, je le trouve très cohérent, M. Roberge, parce que souvent, il lance des idées et se rend compte après qu’elles ne sont pas si bonnes que ça », a-t-elle lancé. « Si on veut vraiment aider nos élèves, la première chose qu’on doit faire, c’est d’abord trouver des enseignant­s. »

Le Parti libéral s’est faroucheme­nt opposé à l’idée de rendre la fréquentat­ion scolaire obligatoir­e jusqu’à 18 ans, pour ensuite l’appuyer en 2018. Selon la députée Rizqy, le parti est aujourd’hui revenu à sa position initiale, soit celle de maintenir le statu quo.

«C’est une démonstrat­ion supplément­aire qu’il y a des tonnes de mesures de ce gouverneme­nt-là qui ne passent pas le test de la réalité », a aussi réagi l’élue péquiste Véronique Hivon. La députée solidaire Christine Labrie a, quant à elle, parlé d’une «bonne nouvelle». «Je n’ai jamais compris pourquoi il privilégia­it un moyen coercitif pour retenir les jeunes sur les bancs d’école », a-t-elle dit.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, n’a plus l’intention de porter à 18 ans l’âge de fréquentat­ion scolaire obligatoir­e.

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