Le Devoir

Dégringola­de vertigineu­se pour l’économie américaine

Le recul du produit intérieur brut le plus marqué depuis la fin de 2008 lorsque la faillite de la banque Lehman Brothers avait provoqué une récession mondiale

- ÉRIC DESROSIERS

La pandémie de coronaviru­s a infligé aux États-Unis, au début de l’année, leur plus forte contractio­n économique depuis la dernière récession. Mais le pire est à venir et les gouverneme­nts doivent réagir, dit la Réserve fédérale américaine (Fed).

Le départemen­t américain du Commerce a rapporté, mercredi, un recul du produit intérieur brut (PIB) au cours des trois premiers mois de l’année équivalant à 4,8 % en rythme annualisé. C’était la première baisse trimestrie­lle depuis 2014 et la plus marquée depuis la fin de 2008 lorsque la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers avait entraîné l’effondreme­nt de Wall Street et provoqué une récession mondiale.

On n’a cependant encore rien vu, estiment les prévisionn­istes, qui évoquent une accélérati­on de cette dégringola­de lors du trimestre allant d’avril à la fin juin, où le rythme de cette décroissan­ce pourrait approcher les 40 %, ce qui serait du jamais vu depuis qu’on a commencé à tenir ces statistiqu­es trimestrie­lles, en 1947.

Plombée par la pandémie de COVID19 et les mesures de confinemen­t des gouverneme­nts pour en freiner l’avancée, l’économie américaine va « probableme­nt chuter à un rythme sans précédent au deuxième trimestre », a confirmé le président de la Fed, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse à distance.

On savait déjà que les rangs des nouveaux demandeurs d’assurancec­hômage avaient grossi de 26 millions de la mi-mars à la mi-avril. On a appris mercredi qu’après un bon départ, le premier trimestre a tourné au cauchemar dans la seconde moitié du mois de mars. Au coeur de l’activité économique des pays développés, la consommati­on des ménages a finalement reculé, par exemple, de 7,8 % en rythme annualisé, du jamais vu depuis 1980. Signe de la soudaine méfiance des ménages, leur taux d’épargne est passé d’un seul coup de 7,6 % à 9,6 %, alors que l’investisse­ment des entreprise­s s’est replié de 8,6 %.

Aux gouverneme­nts de faire plus

Contrairem­ent à son habitude, mais comme elle l’a fait depuis le début de la crise sanitaire, la Fed s’est gardée, mercredi, d’y aller de ses propres prévisions pour l’économie américaine. « L’ampleur et la durée du ralentisse­ment économique sont extrêmemen­t incertaine­s et dépendront en grande partie de la rapidité avec laquelle le virus sera maîtrisé », a expliqué Jerome Powell.

La banque centrale n’a pas annoncé non plus de nouvelles mesures de stimulatio­n monétaire, ayant déjà abaissé son taux directeur dans la mince fourchette comprise entre 0 % et 0,25 % et procédant déjà à l’injection de liquidités dans les marchés financiers qui l’ont amenée à acheter pour près de 2 000 milliards d’actifs seulement depuis la mi-mars. Elle s’est néanmoins dite prête à déployer tous les efforts nécessaire­s aussi longtemps qu’il faudra afin d’assurer une reprise « aussi robuste que possible ».

D’autres programmes de financemen­t des entreprise­s et des gouverneme­nts locaux devraient démarrer bientôt, a rappelé le président de la banque centrale, mais cela ne suffira pas. Même si l’économie devait commencer à rebondir dans la seconde moitié de l’année, il y a peu de chance qu’elle revienne rapidement à ce qu’elle était encore seulement au mois de février. Pour éviter le pire, les travailleu­rs et les entreprise­s frappés par la crise ont besoin d’une aide financière directe et de politiques de relance économique que seuls les gouverneme­nts ont le pouvoir de leur apporter.

Tout en reconnaiss­ant que ces derniers ont déjà beaucoup fait, la Maison-Blanche et le Congrès ayant, à eux seuls, déjà promis 2 600 milliards en aide de différente­s formes, Jerome Powell presse néanmoins les gouverneme­nts à ne pas s’arrêter en si bon chemin. « C’est le moment d’utiliser la grande puissance budgétaire des ÉtatsUnis pour soutenir l’économie et essayer de traverser [cette crise] avec le moins de dommages possibles sur les capacités de production à long terme de l’économie. »

Le banquier central se dit particuliè­rement inquiet de l’effet que pourrait avoir un prolongeme­nt de la crise sur les travailleu­rs les plus modestes, qui avaient à peine commencé, depuis un an ou deux, à vraiment profiter de la plus longue période de croissance économique ininterrom­pue de l’histoire du pays, ainsi que sur les PME qui sont le fondement de la prospérité.

Habituelle­ment extrêmemen­t soucieux de ne pas attirer sur lui les foudres du président Trump, qui en a fait l’un de ses boucs émissaires de prédilecti­on, il n’a pas hésité à rejeter du revers de la main les hésitation­s que des élus de la droite républicai­ne commencent à avoir quant à l’impact qu’auront toutes ses politiques d’aide sur la dette publique. « Ce n’est pas le moment, de mon point de vue, de laisser de telles considérat­ions nous empêcher de mener et de gagner la bataille », a-t-il déclaré non sans rappeler, au passage, que ces mêmes élus étaient restés sourds à ses propres appels à la réduction des déficits les dernières années.

Espoir en Bourse

La Bourse de New York a malgré tout bouclé la journée en forte hausse, l’indice élargi S&P 500 s’appréciant de 2,7 %, encouragée, apparemmen­t, par les bons résultats obtenus lors de tests préliminai­res réalisés sur de nouveaux traitement­s des malades atteints de la COVID-19. Bien que prometteur, l’un de ces traitement­s antiviraux, appelé remdesivir, n’est « ni agréé ni approuvé nulle part dans le monde et n’a pas prouvé sa sécurité ou son efficacité pour le traitement de la COVID-19 », a tenu à rappeler, mercredi, la biotech Gilead Sciences, qui travaille à sa mise au point.

On n’a encore rien vu, estiment les prévisionn­istes, qui évoquent une accélérati­on de cette dégringola­de au trimestre d’avril à la fin juin, du jamais vu depuis qu’on a commencé à tenir des statistiqu­es trimestrie­lles, en 1947

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ANGELA WEISS AGENCE FRANCE-PRESSE Le centre commercial Oculus de New York, habituelle­ment bondé, est déserté par les consommate­urs.
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