Le Devoir

Une tempête presque parfaite dans la rue

La rareté et la baisse de qualité des drogues illicites risquent de provoquer une hausse de surdoses

- JESSICA NADEAU

Des intervenan­ts d’organismes communauta­ires craignent une augmentati­on des surdoses mortelles et des psychoses toxiques en raison de la pandémie.

C’est presque une tempête parfaite. Depuis la fermeture des frontières, l’approvisio­nnement en drogues illégales est plus difficile. Plusieurs vendeurs de rue, qui arrivent généraleme­nt à se fondre dans le paysage urbain, mais qui sont désormais exposés en raison de la distanciat­ion sociale, ont décidé de se retirer pendant quelque temps, par crainte de se faire arrêter. Ceux qui continuent à vendre sur la rue coupent leur drogue avec des produits moins chers. Et les prix explosent.

« Le demi-gramme de kétamine est passé de 35 $ à 55 $», illustre Geneviève

Raymond, intervenan­te au site d’injection supervisé Spectre de rue.

Elle constate également une diminution dans la qualité de la drogue vendue dans la rue. « Le risque d’overdose est plus présent, soit parce qu’ils vont faire des mélanges de substances ou parce que leur dope va être coupée avec autre chose », explique l’intervenan­te. Il y a, par exemple, de plus en plus de crystal meth dans le crack.

Enfin, certaines drogues ne sont tout simplement plus disponible­s. C’est le cas notamment des médicament­s opiacés (antidouleu­rs) vendus en pharmacie sur ordonnance et qui sont revendus au marché noir.

« Du jour au lendemain, leur contact pour acheter leur drogue de choix n’existe plus. Devant la rareté de la substance et l’augmentati­on des prix, plusieurs se tournent vers le crystal meth, l’héroïne ou les benzodiazé­pines (médicament­s pour calmer l’anxiété). Mais comme ils ne sont pas habitués à consommer ces substances, ils connaissen­t moins bien leur tolérance et sont plus à risque de faire des overdoses. »

Déjà, elle voit les effets. Ainsi, certains usagers qui, depuis des années, fonctionna­ient assez bien malgré leur consommati­on de médicament­s opiacés font des psychoses toxiques sous l’influence de nouvelles substances.

« Ils sont plus à risque de commettre des gestes dont ils ne se rappellero­nt plus, d’avoir une conduite erratique comme de traverser la rue sans regarder ou d’attaquer quelqu’un sans raison apparente parce qu’ils croient qu’on leur veut du mal. »

Yannick Gingras, intervenan­t chez Cactus et président du syndicat des travailleu­ses et travailleu­rs en interventi­on communauta­ire, voit lui aussi une « plus grande détresse » chez les gens de la rue. « Beaucoup d’usagers sont affectés par ce qui se passe en ce moment, explique-t-il. Il y a moins de drogue sur la rue, ils sont un peu plus en panique parce qu’ils cherchent à pourvoir à leurs besoins. On voit que ça crée des tensions. Ils sont plus à fleur de peau, plus inquiets. On entend des histoires selon lesquelles ça joue plus dur dans la rue. »

On n’est pas les plus forts, mais notre instinct de survie est immense DANY

Plusieurs vendeurs de rue ont décidé de se retirer pendant quelque temps

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 ?? RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR ?? Dany a souffert de douleurs chroniques après avoir été blessé lors d’une agression. Il a développé une dépendance aux opiacés qui lui ont alors été prescrits. Aujourd’hui, pour en augmenter l’effet, il s’injecte les antidouleu­rs qu’il reçoit sous ordonnance.
Depuis quelques jours, après avoir dû quitter un appartemen­t insalubre, Dany partage un coin de trottoir avec Petit Jean.
En raison de l’épidémie de COVID-19, le centre d’injection supervisé Cactus a réduit ses heures d’ouverture. Dany doit se trouver un lieu alternatif de consommati­on.
La trousse à pharmacie de Dany
RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Dany a souffert de douleurs chroniques après avoir été blessé lors d’une agression. Il a développé une dépendance aux opiacés qui lui ont alors été prescrits. Aujourd’hui, pour en augmenter l’effet, il s’injecte les antidouleu­rs qu’il reçoit sous ordonnance. Depuis quelques jours, après avoir dû quitter un appartemen­t insalubre, Dany partage un coin de trottoir avec Petit Jean. En raison de l’épidémie de COVID-19, le centre d’injection supervisé Cactus a réduit ses heures d’ouverture. Dany doit se trouver un lieu alternatif de consommati­on. La trousse à pharmacie de Dany
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