Il faut tester davantage, disent des médecins
Le déconfinement doit aller de pair avec un dépistage à grande échelle, selon des experts
À la veille du déconfinement progressif des entreprises et des écoles au Québec, des médecins plaident pour une augmentation des tests de dépistage de la COVID-19 dans la communauté. La levée des restrictions doit aller de pair, disent-ils, avec un dépistage à grande échelle.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) priorise actuellement les patients hospitalisés et les professionnels de la santé symptomatiques, ainsi que les usagers et employés des CHSLD et des résidences pour aînés, en matière de dépistage. « Quand on regarde les priorités des tests depuis trois semaines, on voit que le communautaire est la priorité 6 sur 6 », dit la Dre Isabelle Samson, présidente de l’Association des spécialistes en médecine préventive du Québec.
Dans l’échelle de priorisation du MSSS, les « personnes symptomatiques de la communauté sur autorisation du directeur de la santé publique » arrivent en sixième place.
Le directeur national de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, a affirmé lundi qu’il allait « augmenter la capacité de tests de façon significative au cours des prochaines semaines ».
La Dre Isabelle Samson croit que le dépistage à plus grande échelle dans la communauté doit débuter immédiatement, avant même le déconfinement partiel. Les autorités pourront alors mesurer l’impact réel de la reprise des activités des entreprises et du retour des enfants à l’école et en milieu de garde.
« Actuellement, il y a beaucoup moins de nouveaux cas dans plusieurs régions et c’est sans doute le résultat des mesures de santé publique et de notre travail, dit la Dre Isabelle Samson, qui pratique en Estrie. C’est aussi sans doute parce qu’on ne cherche pas beaucoup dans la population générale et que l’accès au test est difficile. Comment vraiment savoir ? C’est ce dilemme d’interprétation qu’on voudrait éviter. »
Les gens symptomatiques « devraient avoir accès dès maintenant » à un test de dépistage, estime la Dre Catherine A. Hankins, professeure de santé publique et populationnelle à l’Université McGill. « La priorité doit aller à ceux qui travaillent auprès du public, comme les professionnels de la santé, les enseignants et ceux qui travaillent dans les services de garde », précise-t-elle. Elle rappelle que le nerf de la guerre pour éviter la transmission de la COVID-19, c’est de dépister les cas, d’isoler les gens atteints et de retracer tous leurs contacts.
Accès restreint aux tests
Cet accès limité aux tests de dépistage inquiète Geneviève, une enseignante de Québec qui préfère rester anonyme. Son conjoint de 45 ans présente des symptômes de la COVID-19 (dont une forte fièvre) depuis quelques jours. Dimanche, il s’est isolé dans le sous-sol, à l’écart de leurs trois jeunes enfants âgés de 2 à 8 ans. Lorsqu’elle a appelé au 811 lundi, l’infirmière était formelle : le dépistage n’est offert qu’aux personnes travaillant dans les services essentiels.
« J’ai demandé à l’infirmière ce que je devais faire, parce que je travaille dans le milieu de l’éducation et qu’ils vont rouvrir les écoles, dit Geneviève. Elle m’a répondu que je n’avais pas à m’isoler pour 14 jours. De me présenter au travail et de les rappeler si je présentais des symptômes. »
Mercredi, son conjoint a finalement pu voir un médecin, qui lui a fait passer un test. Malgré tout, Geneviève se questionne. « On les écoute à 13 h et ils disent qu’ils dépistent en masse, qu’on dépiste plus qu’ailleurs. En toute naïveté, je pensais qu’on dépistait tous les gens qui avaient des symptômes. Ma situation représente probablement celle de beaucoup de familles. »
La situation semble toutefois varier d’une région à l’autre. « Les gens qui ont des symptômes, on les teste dans notre région, dit le Dr Donald Aubin, directeur de la santé publique du Saguenay–Lac-St-Jean. Mais on n’a pas beaucoup de gens qui appellent. » Le dernier bilan régional fait état de 272 cas positifs.
« Avec la levée des barrages routiers [le 11 mai], on va probablement être plus libéral [dans la réalisation des tests], poursuit-il. On va tester beaucoup plus s’il y a éclosion. »
Plus grande capacité de tester
À l’échelle nationale, le MSSS dit travailler « à rendre de plus en plus accessible l’offre de tests à mesure que nos capacités de dépistage seront rehaussées ».
Québec a commandé à l’entreprise Spartan Bioscience 200 000 tests de détection rapide et 100 appareils pour les analyser. Ce nouvel équipement devrait être accessible vers la fin mai, indique le MSSS. Quant au plan de dépistage en vue du déconfinement, « il est trop tôt pour s’avancer davantage », indique le MSSS, par courriel.
Dans ses points de presse quotidiens, le gouvernement Legault assure qu’il a une capacité d’environ 15 000 tests par jour. L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), qui représente notamment des technologues et des techniciens de laboratoire, a vérifié auprès de ses membres. « Le survol qu’on a fait nous permet de croire que les labos peuvent faire 15 000 tests par jour », indique la présidente de l’APTS Andrée Poirier.
Encore faut-il disposer du matériel nécessaire pour procéder au dépistage. Le MSSS assure qu’il dispose de suffisamment d’écouvillons : « 80 000 écouvillons ont été redistribués aux établissements la semaine dernière, et d’autres sont à venir », indique-t-on.
Le gouvernement fédéral a formé la semaine dernière un comité chargé de mesurer l’ampleur de la pandémie de la COVID-19, à l’aide de tests sérologiques détectant la présence d’anticorps. La Dre Catherine A. Hankins le copréside. « Idéalement, on aurait eu ces tests pour aider [le Québec] dans sa prise de décision, observe-t-elle. Nous travaillons aussi vite que possible pour les avoir. Mais il faut des tests qui marchent. On ne veut pas avoir de faux positifs ou de faux négatifs. »
À l’échelle nationale, le MSSS dit travailler « à rendre de plus en plus accessible l’offre de tests à mesure que ses capacités de dépistage seront rehaussées »