Un été sans fraîcheur ni trempette ?
Montréal devra trouver comment soulager les personnes défavorisées de la canicule
Comment faire en sorte que le coronavirus ne mine pas trop l’été montréalais ? Bien que l’accès à des équipements, comme les piscines municipales ou les modules de jeu dans les parcs, soit difficilement envisageable, plusieurs institutions publiques pourraient rouvrir leurs portes moyennant quelques précautions, croient des experts consultés par Le Devoir.
La mairesse Valérie Plante promet un « plan estival » pour permettre aux Montréalais de profiter de la ville malgré la pandémie. On peut s’attendre à ce que la Ville aménage davantage de corridors sanitaires et ferme des tronçons de rue. Mais qu’en est-il du reste ?
Professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, la Dre Marie-France Raynault estime que dans certaines institutions, comme les musées, l’organisation de visites sécuritaires est possible. « Les salles sont généralement grandes dans les musées et les gens ne touchent pas les surfaces. Ils pourraient émettre des billets horodatés afin de contrôler l’affluence. Le Musée des beaux-arts le fait déjà », explique-t-elle.
Le Jardin botanique, fermé depuis le début de la pandémie, pourrait aussi envisager d’accueillir des visiteurs. Comme dans les parcs, les autorités devront exercer un certain contrôle pour éviter les rassemblements, prévient la Dre Raynault.
Directeur général de Vivre en ville, Christian Savard croit que les parcs seront rapidement bondés, de là l’importance d’aménager d’autres lieux en empiétant sur l’espace occupé par les voitures. Il cite le cas de Vilnius, en Lituanie, qui a dégagé des rues pour faire de la place aux terrasses de restaurants et de bars. « Il va falloir être un peu innovant », dit-il.
Obsession fraîcheur
Certains équipements risquent toutefois d’être fermés tout l’été. La Dre Raynault doute que les enfants puissent reprendre d’assaut les modules de jeux dans les parcs. « Tout le monde touche aux mêmes surfaces, aux mêmes endroits, et on sait que le virus persiste sur les surfaces pendant plusieurs heures », rappelle-t-elle.
La question des piscines est particulièrement problématique. « Il est envisageable que dans les régions [du Québec] où il y a très peu de circulation du virus dans la communauté, ces activités extérieures soient peu à risque pour les enfants et les adultes en bonne santé », indique le Dr Marc Dionne, directeur scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec. Pour l’instant, ce n’est pas le cas à Montréal.
« Ça me fait pleurer de penser que les enfants montréalais n’auront pas accès à une piscine cet été, sachant que beaucoup sont défavorisés et ne peuvent pas aller à un chalet sur le bord d’un lac », se désole la Dre Raynault.
Ouvrir les piscines à un petit nombre de personnes pour respecter la distanciation soulève un problème évident d’accessibilité, ajoute-t-elle.
De l’avis de Christian Savard, l’administration devra faire de la fraîcheur une « obsession » : « Les gens n’ont pas tous l’air climatisé et utilisent souvent des lieux publics comme les centres d’achats pour fuir les canicules. » Montréal pourrait aménager des terrasses dotées de parasols dans les espaces publics, suggère-t-il.
La question de la chaleur préoccupe aussi les organismes qui oeuvrent auprès des personnes âgées. « On remarque beaucoup d’isolement social chez les aînés dans cette crise. Mais il y a aussi de la détresse et de l’anxiété. Ils ne se sentent pas bienvenus dans la rue. Cet été, ces personnes vont-elles aller s’asseoir à l’ombre dans un parc ou rester chez elles ? » se demande Raphaël Massé, coordonnateur de la Table de concertation des aînés de l’île de Montréal.
Et les sports d’équipe ? Martin Bradette, p.-d.g. de l’Association des sports de balle à Montréal, ne se fait pas d’illusion : « On se croise les doigts, mais ça risque d’être difficile. Tout le monde est déçu, mais tout le monde comprend que la santé passe avant tout. »