Le Devoir

Devoir aller enseigner dans une école sans élèves

Des enseignant­s du secondaire se font ordonner de se rendre au travail

- MARCO FORTIER

Pourquoi doit-on se rendre dans une école de MontréalNo­rd pour enseigner à distance à nos élèves qui seront chez eux ? »

Ça n’a aucun sens UNE ENSEIGNANT­E

Des enseignant­s d’au moins une école secondaire de Montréal-Nord, quartier considéré comme le point chaud de la pandémie dans l’île, se sont fait ordonner de se rendre au travail dès lundi, même s’il n’y aura aucun élève sur place.

Les enseignant­s de l’école secondaire Lester-B.-Pearson, au coeur de Montréal-Nord, se sont fait confirmer lundi soir par la Commission scolaire English Montreal (CSEM) qu’ils devraient se rendre à l’école en vue de la reprise des classes. Les élèves seront pourtant chez eux et non à l’école, puisque le gouverneme­nt Legault a décrété que la suite de l’année scolaire se ferait à distance au secondaire.

Cette directive soulève des craintes parmi les 63 enseignant­s, dont la vaste majorité provient des banlieues et d’autres quartiers montréalai­s.

« Pourquoi doit-on se rendre dans une école de Montréal-Nord pour enseigner à distance à nos élèves qui seront chez eux ? Ça n’a aucun sens », dit une enseignant­e qui a requis l’anonymat par crainte de représaill­es de son employeur.

Peter Sutherland, président du syndicat des enseignant­s de la CSEM, estime que la directive n’est pas claire. Si l’ordre donné aux enseignant­s de se rendre à leur école se confirmait, cela « contredira­it les directives de la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail] selon lesquelles les employeurs doivent, dans la mesure du possible, encourager le télétravai­l ».

Au moment où ces lignes étaient écrites, la CSEM n’avait pas donné suite à notre demande d’informatio­n.

Des enseignant­s de l’école secondaire Henri-Bourassa, à Montréal-Nord, craignent aussi de devoir se rendre travailler au coeur de la pandémie. La Commission scolaire de la Pointe-del’Île (CSPI) a apaisé leurs craintes.

« Dans la mesure où les tâches demandées par la direction ne nécessiten­t pas la présence à l’école, elle ne sera pas exigée », a indiqué Valérie Biron, directrice des services corporatif­s, des communicat­ions et du secrétaria­t général de la CSPI.

Le cabinet du ministre Jean-François Roberge a indiqué au Devoir que les gestionnai­res scolaires ont le pouvoir de décréter la présence obligatoir­e ou non en classe pour les enseignant­s du secondaire.

« Tout le personnel de toutes les écoles secondaire­s peut être appelé à se rendre à son lieu de travail dès le 4 mai. Il appartiend­ra aux directions d’école de déterminer et de convoquer le personnel au besoin. Il appartiend­ra également aux directions d’école de déterminer si le télétravai­l est permis et selon quelles conditions », a indiqué

Francis Bouchard, attaché de presse du ministre de l’Éducation.

Profs en renfort

Hélène Bourdages, présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire, conseille à ses membres d’adopter une stratégie de « bienveilla­nce » envers le personnel. « Le télétravai­l va être encouragé pour les profs du secondaire, il n’y a pas de problème avec ça », dit-elle.

Elle doute que les enseignant­s du secondaire se fassent demander de se présenter tous les jours en classe d’ici à la fin de l’année scolaire. « Il y a des directions d’école qui voudront rencontrer leur personnel pour planifier les semaines restantes au calendrier scolaire. On peut se rencontrer en équipe à deux mètres de distance », dit-elle.

Il est possible que des enseignant­s du secondaire soient appelés en renfort au primaire, sans doute sur une base volontaire. Les titulaires du primaire ne pourront pas superviser à la fois les élèves en classe et ceux qui resteront à la maison, rappelle Mme Bourdages. Des discussion­s prennent place avec les syndicats pour confier cette tâche à des enseignant­s du secondaire.

Il est aussi envisagé que des classes de deuxième cycle du primaire prennent place dans des écoles secondaire­s — avec les enseignant­s habituels du primaire — pour limiter le nombre d’élèves par école.

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