Le plan de dépistage attendu enfin déployé par Québec
Satisfaisant, bien réparti… mais un peu tardif. Le plan du gouvernement pour augmenter le dépistage au Québec est très bien accueilli par les experts consultés par Le Devoir, qui auraient toutefois préféré voir cette stratégie lancée avant.
À partir de lundi, toute personne ayant des symptômes du coronavirus pourra être testée, ont annoncé les autorités de santé publique vendredi.
De 6000 tests par jour actuellement, on passera à 14 000 tests quotidiens d’ici la fin de la semaine prochaine.
Les « personnes symptomatiques de toutes les communautés » pourront ainsi obtenir un rendez-vous dans les 24 heures, a expliqué vendredi le directeur adjoint de la santé publique au ministère de la Santé, Yves Jalbert.
Il s’agit d’un changement majeur puisque depuis le 11 avril, les tests étaient réservés aux patients hospitalisés, aux professionnels de la santé symptomatiques ainsi qu’aux usagers et employés des CHSLD et des résidences pour aînés.
« C’est très intéressant s’ils sont capables de le faire parce que c’est une augmentation importante du nombre de tests par jour », a réagi Catherine A Hankins, professeure de santé publique au Département d’épidémiologie de l’Université McGill.
Parmi les 14 000 tests, 7000 sont destinés au milieu de la santé, 6000 aux personnes symptomatiques dans la population en général et 1000 seront disponibles pour réagir rapidement à de nouvelles éclosions dans des secteurs précis.
Le Dr Horacio Arruda a par ailleurs mentionné que ce nouveau plan avait commencé à être déployé dès vendredi matin à Montréal-Nord.
Mieux vaut tard que jamais
« Ils ont fait une bonne répartition », poursuit Mme Hankins, en saluant la décision de tester les personnes ayant des symptômes à l’extérieur du réseau de la santé.
« Jusqu’à présent, beaucoup de gens qui avaient des symptômes mais n’étaient pas trop malades étaient encouragés à rester à la maison et on ne savait même pas s’ils avaient eu ou pas le coronavirus. » Seul bémol : « Idéalement, ça aurait été bien d’avoir ça depuis un mois, mais mieux vaut tard que jamais », mentionne-t-elle.
« S’ils avaient eu les moyens, c’est sûr qu’ils l’auraient fait avant, note à cet égard l’épidémiologiste Nimâ Machouf. Pour éviter que l’épidémie se répande, il faut, au tout début, tester massivement. Une fois que c’est répandu, c’est beaucoup plus difficile. »
Ces dernières semaines, de nombreux médecins et experts ont plaidé pour qu’on augmente le nombre de tests dans la communauté étant donné qu’on s’apprête à rouvrir les écoles et une partie de l’économie.
C’est pourquoi ce plan est « rassurant », souligne Nimâ Machouf. « Il fallait ajouter beaucoup de dépistage parce que c’est ça qui va nous dire si on est sur la bonne voie. Si on ne veut pas que le déconfinement soit un échec et qu’il y ait reprise de l’épidémie, c’est ça que ça prenait. […] 14 000 tests par jour, c’est quand même une très bonne moyenne. »
Pas de tests aléatoires
Par ailleurs, la Santé publique n’a pas l’intention de mener de tests aléatoires dans la population pour estimer le pourcentage de gens atteints du coronavirus et de personnes qui l’ont eu mais n’ont pas eu de symptômes.
Prié de justifier ce choix, le Dr Arruda a rétorqué que si on avait « une capacité infinie », on ferait passer des tests « à tous les Québécois ».
Selon le professeur Hankins, « ce n’est pas vraiment utile » puisqu’on est encore à l’étape de trouver les foyers de contagion pour stopper le virus. « Si on était à l’étape de l’immunité, là ce serait intéressant. »
Pour Nimâ Machouf, ce n’est pas un problème non plus. « Ils vont s’ajuster, dit-elle. Pour l’instant, ça ne m’inquiète pas. »
Tests sanguins
La Santé publique compte éventuellement documenter la propagation de la maladie grâce à des tests sanguins (campagnes sérologiques), a par ailleurs signalé le Dr Jalbert, en mentionnant que ces tests devraient être disponibles d’ici « quelques semaines ».
Jusqu’à présent, 28 648 personnes ont reçu un diagnostic positif à la COVID-19. Or, M. Arruda a dit estimer à 250 000 le nombre total de Québécois l’ayant contracté, soit l’équivalent de 3 % de la population.