Forte résistance au retour en classe
Pas moins de 500 enseignants de la CSDM ont déjà déposé une demande de retrait préventif
La réouverture annoncée des écoles primaires provoque une vague d’anxiété sans précédent parmi le personnel scolaire de l’île de Montréal. Selon ce que Le Devoir a appris, la Commission scolaire de Montréal (CSDM), la plus grande au Québec, a déjà reçu plus de 500 demandes de retrait préventif de membres du personnel qui craignent pour leur santé.
Les syndicats d’enseignants estiment que la pandémie, loin d’être maîtrisée à Montréal, devrait mener à une extrême prudence en vue de la réouverture des écoles. L’anxiété dépasse les frontières du Grand Montréal : les neuf commissions scolaires anglophones, qui représentent 100 000 élèves de toutes les régions, préviennent qu’elles ouvriront leurs écoles « si et quand » elles le jugeront possible — peu importe ce qu’en dit le ministère de l’Éducation.
« J’ai rarement vu autant d’anxiété et de panique chez les gens. On reçoit une quantité très importante d’appels de gens inquiets pour eux et pour leurs proches », dit Catherine Beauvais-Saint-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal.
Elle dit avoir obtenu l’assurance que la CSDM privilégierait le télétravail pour la rentrée des enseignants, la semaine prochaine. Cette décision rassure la présidente de l’Alliance, mais elle estime que les écoles ne sont pas prêtes pour la rentrée des élèves du primaire, prévue le 19 mai à Montréal et dans les banlieues.
Le Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île, de son côté, a indiqué au Devoir qu’il s’oppose à la réouverture des écoles à Montréal-Nord et dans les quartiers Saint-Michel et Rivièredes-Prairies, les plus touchés par la pandémie dans la métropole.
Des doutes pour la santé
La simple distanciation physique est un défi quasi insurmontable dans des écoles surpeuplées et vétustes, selon les syndicats. Des questions d’organisation du travail soulèvent aussi des doutes sur la santé des élèves, des enseignants et de leurs familles.
Par exemple, les enseignants peuvent demander un retrait préventif s’ils sont âgés de 60 ans ou plus, ou en cas de maladie cardiaque, d’un déficit immunitaire grave, d’une grossesse ou d’allaitement. Cette directive soulève des craintes chez des enseignants en pleine santé, mais qui ont un enfant, un parent ou un conjoint malade ou âgé à la maison.
Marie-Claude Dakin, éducatrice spécialisée à l’école Saint-Ambroise de Montréal, devra travailler même si son conjoint est immunodéprimé. Il a subi une greffe du rein il y a 14 ans. Le couple craint de graves complications en cas d’infection de l’homme à la COVID-19.
Mme Dakin cherche un logement temporaire pour les trois prochains mois, pour éviter de contaminer son conjoint. « Je ne veux pas critiquer mon milieu de travail. Ma direction d’école est très humaine. On recherche des solutions, mais je suis inquiète pour mon conjoint », dit-elle.
Julie (qui a demandé à garder l’anonymat par crainte de représailles) s’inquiète aussi pour son conjoint, qui a subi un AVC au début du mois de mars. Il est sorti de l’hôpital il y a deux semaines. Elle craint elle aussi de ramener le coronavirus à la maison et d’infecter son conjoint, qui reste affaibli par la maladie.
Des délais trop courts
Les syndicats d’enseignants et de professionnels (orthophonistes, psychologues, etc.) craignent aussi qu’une portion importante du personnel passe d’une école à l’autre, comme en temps normal. Les enseignants suppléants ou contractuels, ainsi que les professionnels, travaillent souvent dans plusieurs écoles, ce qui augmente les risques d’infection au coronavirus.
L’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) estime qu’il reste « beaucoup trop d’inconnues » pour rouvrir les écoles : « D’après notre évaluation, la mise en oeuvre de ces mesures variera considérablement au sein des différentes commissions scolaires et régions et elle pourrait même être impossible dans certaines régions. Par ailleurs, nous sommes convaincus que dans plusieurs écoles, les lignes directrices internationales en matière de santé […] ne peuvent être respectées dans les délais imposés par le gouvernement. »