Le Devoir

Au moins un an avec la COVID-19

Alors que les mesures de confinemen­t seront graduellem­ent assouplies, à quoi ressembler­a cette nouvelle « vie normale » pour les Québécois ? Un dossier à lire en pages B 1, B 2 et B 3.

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Le retour graduel à l’école et au travail est loin de signifier une reprise de la « vie normale ». La COVID-19 a bouleversé nos comporteme­nts et il faut désormais déconstrui­re l’effroi dans lequel ce virus nous a plongés pour apprendre à le côtoyer au quotidien. Si une deuxième vague est à prévoir, des jours meilleurs le sont aussi, soutiennen­t des experts sondés par Le Devoir.

Selon le gouverneme­nt de François Legault, la situation est maintenant « sous contrôle ». Le premier ministre soutient qu’on satisfait les six critères édictés par l’Organisati­on mondiale de la santé pour aller de l’avant avec le déconfinem­ent. Le Québec a atteint le fameux sommet de la courbe qu’on a voulu aplatir en mettant la province sur pause le 15 mars dernier. « Ce qu’on voit, c’est qu’il y a deux mondes […] Les personnes qui vivent en résidence et le reste de la population », a fait valoir mardi M. Legault, graphiques à l’appui.

En sept semaines, le coronaviru­s s’est propagé à travers toutes les régions du Québec. Au passage, la COVID-19 a infecté jusqu’à présent 28 648 Québécois et en a tué 2022. C’est dans les CHSLD que la pandémie a provoqué une véritable hécatombe. 97 % des décès sont des personnes de 60 ans et plus, et 80 % d’entre elles étaient hébergées en CHSLD. Le premier ministre a cependant reconnu jeudi que les « marges de manoeuvre [étaient] moins grandes à Montréal ». L’envoi de renforts devrait selon M. Legault stabiliser la situation, sans affecter la disponibil­ité des lits dans les hôpitaux. S’il le faut, les dates de reprise pour la métropole pourraient être revues, a laissé entendre M. Legault.

La mise sur pause du Québec est en voie de se terminer, laissant place à un déconfinem­ent sous surveillan­ce, mais surtout par étapes.

La pandémie laissera sur son passage d’importante­s cicatrices sur la vie personnell­e, sociale et profession­nelle des Québécois. Le déconfinem­ent progressif des écoles et des entreprise­s du Québec ne s’accompagne pas pour autant d’une levée des restrictio­ns. Ce n’est donc pas demain la veille qu’on pourra à nouveau se serrer la main, se prendre dans les bras ou encore se rassembler entre amis autour d’une bonne bouteille de vin.

Des corridors sanitaires ont été aménagés sur plusieurs artères de la métropole pour assurer une distance entre les piétons. Ce n’est plus uniquement dans les rues du Plateau-Mont-Royal que les sens uniques donnent des maux de tête, mais aussi dans les allées d’épicerie où les rangées ont été reconfigur­ées pour éviter de se retrouver face à face avec un autre client.

« Tant qu’on n’aura pas de vaccin et qu’on n’aura pas de réelles études sur l’immunité, on ne pourra pas reprendre une vie normale. Ça pourrait prendre encore deux ans », souligne Roxane Borgès Da Silva, experte en santé publique.

Les mesures contraigna­ntes dans les commerces et épiceries vont donc devoir rester pour éviter de relancer la courbe trop rapidement.

« Le naturel peut revenir rapidement et on peut oublier qu’il ne faut pas s’approcher trop près des gens. La distance de 2 mètres, le lavage des mains, le nombre limité de clients, ce sont des mesures qui devront rester si on souhaite contrôler les risques de propagatio­n », mentionne Luc Bonneville.

Côtoyer la COVID-19 signifiera aussi l’introducti­on d’un nouvel accessoire dans notre quotidien : le masque.

Déjà, de nombreux entreprene­urs québécois ont réorienté leurs production­s pour fournir à la demande, sans compter les nombreuses vidéos partagées sur les réseaux sociaux qui expliquent comment en fabriquer un soi-même.

La controvers­e sur le port du masque n’a sans doute pas contribué à rassurer la population, note Mme Borgès Da Silva. « Au départ, le Dr Arruda disait que ça ne servait à rien de le porter, et maintenant, il a fini par le recommande­r, alors qu’on était déjà de très nombreux chercheurs et experts dans le domaine à dire que ça prenait le masque », souligne la spécialist­e. « Était-ce pour sauver les stocks qu’ils avaient dans le réseau de la santé et qu’ils ne voulaient pas se faire voler par la population ? Aucune idée, mais c’était difficile à comprendre », ajoute-t-elle.

Le défi qui attend les autorités publiques sera donc de s’assurer que les Québécois continuent à appliquer les recommanda­tions pour éviter de relancer la courbe trop rapidement.

« Le gouverneme­nt a réussi à opérer un changement d’attitude, à informer la population des risques et à faire de la prévention. Si on faisait un sondage, il en ressortira­it que les Québécois sont beaucoup mieux informés au sujet des risques et du mode de propagatio­n de la COVID-19 qu’ils ne l’étaient il y a deux mois, mais vont-ils changer leur comporteme­nt pour les années à venir ? » lance Luc Bonneville.

Il donne l’exemple de l’alcool ou des textos au volant, d’importants fléaux, alors que, pourtant, tout le monde connaît les conséquenc­es de texter ou de boire et de prendre la route.

Malgré la reprise tranquille de l’économie et des activités, des catastroph­es sont à prévoir dans plusieurs secteurs. « On peut penser à l’aviation. Il y a des gens qui voyageaien­t pour le travail. Il va falloir réfléchir à comment s’adapter. Certaines compagnies aériennes ont annoncé qu’elles n’utiliseron­t plus les rangées du centre, mais les prix des vols vont sans doute exploser », remarque Mme Borgès Da Silva.

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Tous les aspects du quotidien seront affectés par le nouveau coronaviru­s, même après le déconfinem­ent.

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