Le Devoir

Biden rompt le silence

Le candidat démocrate reste fragilisé par les allégation­s d’agression sexuelle le visant

- FABIEN DEGLISE

Il espérait s’enlever une épine du pied, faire taire son accusatric­e, pour mieux poursuivre sa marche vers la MaisonBlan­che. Or, la première entrevue accordée par Joe Biden vendredi matin pour répondre aux accusation­s d’agression sexuelle qui minent sa campagne n’aura visiblemen­t pas réussi à refermer complèteme­nt un dossier qui fait très mal paraître l’aspirant président, estiment quelques experts consultés par Le Devoir.

« Nous allons en entendre parler davantage dans les prochaines semaines plutôt que l’inverse, résume le sociologue Cliff Brown, professeur à l’Université du New Hampshire. L’apparition médiatique de Joe Biden pour nier toute agression a davantage attiré les regards sur les allégation­s, qui vont rester ainsi au centre de l’attention médiatique. Ces adversaire­s ont d’ailleurs intérêt à ce que cela le soit, pour s’en servir à charge contre lui. »

Pressé par les instances démocrates vendredi matin, l’ex-vice-président américain a rompu pour la première fois le silence en affirmant sur les ondes de MSNBC que les accusation­s d’agression sexuelle formulées par une ex-collaborat­rice, Tara Reade, n’étaient « pas vraies ». « Cela n’est jamais arrivé », a-t-il dit lors de l’émission matinale.

Celui qui tente de prendre la place de Donald Trump à la Maison-Blanche s’est également présenté en acteur de la lutte politique et sociale contre toute forme d’agression sexuelle amorcée aux États-Unis par le mouvement #MeToo. « Je reconnais ma responsabi­lité comme voix, comme défenseur et leader dans le changement de culture qui a commencé et qui est loin d’être terminé », a-t-il dit.

La campagne électorale de Joe Biden est assombrie par les accusation­s de Mme Reade, qui affirme que le politicien l’a agressée en 1993 dans le sous-sol du Congrès américain alors qu’il n’était que simple sénateur. Elle travaillai­t pour lui.

Sans « échange de mots », a-t-elle raconté dans une balado politique diffusé le 25 mars dernier, « il m’a mise contre le mur », m’a embrassée et « m’a pénétrée avec ses doigts ».

Mme Reade dit avoir déposé une plainte aux services du Sénat après les faits en 1993, mais elle n’a pas pu fournir de copie du document, a révélé le New York Times. Joe Biden, pour sa part, a demandé au Sénat de fouiller dans les Archives nationales, qui répertorie­nt les documents produits et reçus par les institutio­ns du gouverneme­nt américain, afin de prouver l’existence de cette plainte.

« Je n’ai rien à cacher, a affirmé le candidat. Je ne vais pas remettre en cause [les] motivation­s [de Tara Reade]. Je ne vais pas la mettre en cause ou l’attaquer. Elle a le droit de dire ce qu’elle veut. Et j’ai le droit de dire : regardez les faits, vérifiez. »

Des doutes qui persistent

« Cette entrevue ne devrait pas permettre à Joe Biden de clore ce dossier, a indiqué au Devoir Vincent Raynauld, spécialist­e de la communicat­ion politique et professeur à l’Emerson College de Boston. À plusieurs reprises, il a donné l’impression que ses réponses ne satisfaisa­ient pas l’animatrice Mika Brzezinski, particuliè­rement lorsqu’il a été question de la crédibilit­é des femmes qui font de telles accusation­s. Des doutes vont persister chez plusieurs électeurs. »

Pour M. Raynauld, Joe Biden pourrait trouver une occasion de se sortir de cette crise politique avec la sélection de sa colistière.

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CHARLIE NEIBERGALL ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Le candidat démocrate Joe Biden a répété plusieurs fois que ce que son accusatric­e dénonce « n’est jamais arrivé ».

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