Elaine et Saul Bass
En dépit de l’insistance d’Hitchcock pour dire que Bass n’a pas travaillé sur la scène de la douche du film Psycho, une abondance de preuves du contraire existe, rappelle l’historienne du design Pat Krkham
À l’inverse, Bass poursuivit sa collaboration assidue avec Otto Preminger, signant des génériques d’une ingéniosité et d’une pertinence constantes pour Bonjour tristesse (1958 ; y compris la superbe affiche montrant cette ébauche de visage en pleurs en coups de pinceau faussement naïfs),
Anatomy of a Murder (1959), et Bunny Lake Is Missing (1965), pour n’en citer que quelques-uns.
À noter qu’Elaine Bass, née Makatura, la seconde épouse de Saul Bass, commença à réaliser et à produire avec lui des génériques à partir de
Spartacus (1960), de Stanley Kubrick, où une succession d’images fixes de poteries vient illustrer la nature des personnages, dont défilent noms et interprètes. Simple, brillant, comme l’affiche : un exemple de pureté graphique où une silhouette de gladiateur, sur fond vermillon, exhibe à une main une entrave brisée, tandis que de l’autre, elle brandit un poignard. Vingt ans plus tard, Kubrick commanda à Saul Bass l’affiche de The Shining.
Au terme d’un hiatus familial durant les années 1980, le couple Bass reprit du service à Hollywood. Pour Danny De Vito et son grinçant The War of the Roses (1989), le duo pensa à cette introduction sur fond de drap de satin blanc glamour qui se révèle être un mouchoir dans lequel se mouche le narrateur de la tragicomédie matrimoniale qui suivra. Là encore, le brio dans la simplicité.
Enfin, Martin Scorsese entama, avec Elaine et Saul Bass, une fructueuse collaboration qui engloba les films Goodfellas (1990), Cape Fear (1991), The Age of Innocence (1993) et Casino (1995), ultime projet de Saul Bass.
Dans l’ouvrage déjà évoqué, Scorsese écrivit encore : « Les créations de Saul […] ajoutaient une dimension supplémentaire à tout film dont elles faisaient partie. Elles le rendaient instantanément spécial. Et elles ne se démarquaient pas du film : elles vous y attiraient, instantanément. Parce que, pour dire les choses simplement, Saul était un grand cinéaste. »