Le Devoir

Bonjour la police !

Émile Schneider et Hugolin Chevrette s’offrent une websérie policière qui décoiffe avec La loi, c’est la loi

- MANON DUMAIS LE DEVOIR

Émile Schneider et Hugolin Chevrette se connaissen­t depuis toujours. Toutefois, ce n’est qu’en 2017, sur le plateau de 2011 (le film) que le premier, élancé, et le second, râblé, découvrent leur potentiel en tant que duo comique. S’ils s’amusaient à écrire des sketchs depuis plusieurs années, ni l’un ni l’autre n’avaient eu l’idée d’écrire une série.

C’est le décès, en 2018, de France Chevrette (Robin et Stella), mère d’Hugolin et marraine d’Émile, qui scelle le sort de Steeve L’Heureux (Schneider) et Éric Contant (Chevrette), les deux policiers zélés du SPTM (Service de police tactique de Montréal) qu’ils incarnent dans La loi, c’est la loi, websérie policière de cinq épisodes d’une dizaine de minutes.

Le lendemain de l’anniversai­re de la regrettée actrice et marionnett­iste, Schneider contacte Lou Bélanger, de St Laurent TV, pour lui proposer une comédie satirique de situation que Chevrette et lui se sont juré d’écrire. Par la suite, La loi, c’est la loi obtient le coup de pouce du programme Créateurs en série (ancienneme­nt Fonds TV5).

« On a vécu cette tragédie et ce deuil en travaillan­t comme des malades sur cette comédie-là. Rire de choses graves peut apporter des réflexions profondes sur la vie, comme l’ont fait Rock et Belles oreilles, Coluche, Chaplin, Kusturica et Jodorowsky », confie Émile Schneider.

« Je vois ce projet comme une sorte de consécrati­on parce que j’y ai uni le jeu, la cascade, mon côté social et critique, ainsi que mon amour pour Chaplin », affirme Hugolin Chevrette, qui compte également Coluche, Pierre Richard, Buster Keaton et Louis de Funès comme sources d’inspiratio­n.

Laurel et Hardy patrouille­urs

Comme dans tout tandem qui se respecte, les deux confrères viennent d’univers diamétrale­ment opposés : fils d’une policière, Madeleine L’Heureux (Pascale Bussières), Steeve est né dans Ville-Marie ; fils d’une

prostituée, Pauline Contant (Mireille Brullemans), Éric a grandi dans Hochelaga. Et les pères dans tout ça ? Mystère et boule de gomme.

D’emblée, on remarque leur look, créé par le coiffeur Kenzo, lequel n’est pas sans rappeler Laurel et Hardy, autre source d’inspiratio­n pour les deux acteurs friands de slapstick. Le ton est donné : L’Heureux et Contant ne sont pas Chartier et Beroff, et Vincent RC (Ruel-Côté), qui a réalisé des clips de Karim Ouellet et d’Alaclair Ensemble, ne donne pas dans le planséquen­ce à la manière de Podz.

« Vincent est issu du sport extrême ; il tournait des petits films de snowboard avec l’un des directeurs photo de la série, Marc-Olivier Gilbert [l’autre étant Christophe Fortin]. Sans lui, la série n’existerait pas. Des fois, on se demandait comment il allait réussir parce qu’on n’avait pas pu tourner certaines prises. C’est un créateur de malade ! » révèle Chevrette, qui aurait voulu faire davantage de cascades à la Belmondo ou à la Le flic de Beverly Hills.

Au fil d’un montage dynamité, on visite différents quartiers de Montréal où L’Heureux et Contant « surveillen­t et punissent » plutôt que de servir et protéger, avec la bénédictio­n du maire (Antoine Benz). Par les personnage­s, Schneider et Chevrette se livrent à une critique culottée de la brutalité policière, de l’abus de pouvoir et du profilage racial. Certaines répliques risquent même d’en faire grincer des dents plus d’un.

« On n’est jamais sûr si on rit ou si on est sérieux , affirme Émile Schneider. On laisse le sens ouvert. Avec Hugolin, on a certaines divergence­s politiques, mais on n’a voulu viser personne. Avec la crise sans précédent que l’on traverse, c’est un bon moment pour se questionne­r sur les droits individuel­s et se méfier des dérives. »

Le trait a beau être gros, cela ne veut pas dire que Schneider et Chevrette n’ont pas fait leurs devoirs. Chaque acteur s’est retrouvé à faire six heures de patrouille avec son alter ego. De plus, un ami policier de l’interprète d’Éric Contant lui a même fait cadeau d’une réplique des plus truculente­s.

« On a mis beaucoup d’amour dans notre incarnatio­n des policiers , poursuit Schneider. On ne voulait pas que ce soit méchant. Au fond, ce sont des êtres humains qui en échappent devant certaines situations et qui, chaque jour, font face à la tragédie. Il fallait doser, mais on voulait quand même brasser la cage. »

« Dans la police, ça prend toute sorte de monde ; ce qui est dangereux, c’est la dogmatisat­ion de la loi et l’interpréta­tion rigide des lois, note Chevrette. J’ai un profond respect du métier de policier, mais je me suis toujours questionné sur la loi et j’ai toujours été critique du système en général. »

Pour les épauler à la scénarisat­ion, les deux larrons ont bénéficié de l’aide de Romain Dumont : « C’est notre petite perle d’écrivain qui est arrivé au bon moment, se souvient Chevrette. On lui a envoyé nos premiers jets alors qu’il était en Grèce. On n’avait jamais écrit, on était un peu dans les vapes. Même s’il n’a pas pu travailler avec nous, René Brisebois a aussi fait figure de mentor. »

Rendez-vous manqué

Bien qu’Émile Schneider et Hugolin Chevrette qualifient leur série « d’antisérie des séries policières québécoise­s », celle-ci n’a pas été créée en réaction aux 19-2, District 31 et autres

Victor Lessard. Les deux créateurs se sont d’ailleurs amusés à y faire des clins d’oeil à diverses séries d’ici.

Tournée en seulement neuf jours à l’automne 2019 et à l’hiver 2020,

La loi, c’est la loi nous fait pénétrer dans différents univers, des ruelles

Dans la police, ça prend toute sorte de monde ; ce qui est dangereux, c’est la dogmatisat­ion de la loi et l’interpréta­tion rigide des lois. J’ai un profond respect du métier de policier, mais je me suis toujours questionné sur la loi et j’ai toujours été critique du système en général. HUGOLIN CHEVRETTE

On a mis beaucoup d’amour dans notre incarnatio­n des policiers. On ne voulait pas que ce soit méchant. Au fond, ce sont des êtres humains qui en échappent devant certaines situations et qui, chaque jour, font face à la tragédie. Il fallait doser, mais on voulait quand même brasser la cage.

ÉMILE SCHNEIDER

aux petits restos de quartier, en passant par la scène rap, en compagnie de Rymz, et celle du psytrance, dont Emmanuel Schwartz campe un adepte halluciné. On y croise aussi Jean-Nicolas Verreault en policier véreux et Claire Jacques en matriarche mafieuse.

Ne croyez pas avoir la berlue : des acteurs se retrouvant au générique n’apparaisse­nt pas dans la série. « Disons que c’est un pilote de luxe où l’on met la table pour ce qu’on avait en tête, mais il y a beaucoup plus qui s’en vient , promet Émile Schneider. On a demandé à des dizaines d’amis acteurs de venir tourner des séquences pour le générique ; on leur a dit que si ça leur tentait, on pourrait leur créer un rôle. »

S’ils regrettent de n’avoir pu se rendre, en raison de la pandémie, au festival Séries Mania, à Lille, où La

loi, c’est la loi avait été sélectionn­ée en compétitio­n Formats courts, les deux comparses se réjouissen­t d’avoir tout leur temps pour réfléchir à la suite des choses.

« Il faut que les personnage­s évoluent ; en l’échappant, Steeve et Éric vont peut-être devenir de bons policiers… On n’est pas pressé, et même s’il n’y a pas de suite, avec Émile, on est redevables de la vie des milliards fois des milliards », conclut Hugolin Chevrette.

La loi, c’est la loi

Sur TV5Unis.ca, dès vendredi

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PHOTOS CHRISTOPHE FORTIN D’emblée, on remarque le look du duo, Éric Contant (Hugolin Chevrette) et Steeve L’Heureux (Émile Schneider), créé par le coiffeur Kenzo, lequel n’est pas sans rappeler Laurel et Hardy, autre source d’inspiratio­n pour les deux acteurs friands de slapstick.
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La loi, c’est la loi nous fait pénétrer dans différents univers, des ruelles aux petits restos de quartier, en passant par la scène rap et celle du psytrance, dont Emmanuel Schwartz campe un adepte halluciné.

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