ÉCONOMIE
Repenser notre mode de vie
Ennemi invisible du monde entier, ce virus aura mené en un court laps de temps à une prise de conscience fondamentale, note l’historienne Piroska Nagy.
« La COVID-19 nous ramène à notre appartenance à la nature et est venue confronter notre fantasme majeur, qui est d’être immortels. Le virus est venu révéler la réalité des CHSLD et nous a ramenés à notre fragilité d’êtres mortels », souligne Mme Nagy.
Le ralentissement qu’a forcé la pandémie apaise et effraie à la fois. Les rues n’ont jamais été aussi calmes. Sans heure de pointe, on en perd nos repères. Certains ont eu le temps d’y voir l’occasion de penser les choses autrement. Le confinement imposé a eu pour effet de mettre en valeur l’essentiel.
« Avec l’ouverture de seulement ce qui touche les services essentiels, ça nous fait prendre conscience de ce qui est important, c’est-à-dire se nourrir et se loger », mentionne la professeure au Département d’histoire de l’UQAM.
Ce que tous les gouvernements estiment « en temps normal » impossible à arrêter a été mis sur pause pendant des semaines : l’économie.
« Comment un virus, qui n’est pas supermortel puisqu’il toucherait moins de 5 % de la population, a pu provoquer cet arrêt international ? » demande Mme Nagy. « C’est parce qu’il a touché les grands moteurs du capitalisme mondial, c’est-à-dire les grands pays riches », répond-elle.
Cette interruption dévoile qu’il est possible de freiner le modèle capitaliste et qu’il y a réellement d’autres façons de vivre possibles.
« Le confinement apparaît comme un enfermement qui est imposé en geste de solidarité. C’est un sacrifice collectif pour sauver la santé, pour sauver des vies humaines », souligne Mme Nagy.
Les mesures de confinement ont aussi été révélatrices d’entraide, de complicité et de coopération partout à travers le monde. « C’est intéressant, parce qu’on a arrêté de faire comme d’habitude, à savoir consommer comme des malades, vouloir plus que le voisin, avoir une vie dingue où on n’a le temps de rien, pour être ramenés à une vie où on est chez soi, où on peut penser à se faire à manger ou à aider quelqu’un qui en a besoin », souligne-t-elle.
Cette « sobriété volontaire » ne pouvait fonctionner que par solidarité. « Cette distanciation sociale a fabriqué de la solidarité. Les gens sont attentifs aux besoins des autres, ils veulent aider un proche, un voisin ou un aîné pour qui ce n’est pas facile », remarque l’historienne.
La pandémie plonge certainement aussi plusieurs à vivre l’angoisse et l’anxiété face à l’incertitude. « C’est certain que ça peut être un choc. C’est un renversement du monde qui s’est vécu en à peine deux mois », note-t-elle.
Un autre élément qui méritera une importante réflexion sera la question de l’avenir des démocraties, dit l’historienne. « Ce qui est inquiétant, c’est tout ce qu’on a accepté comme mesures exceptionnelles à cause de la COVID-19 et qui, dans certains pays, et dans certaines mesures, pourrait devenir “normal” », souligne Mme Nagy.