Le Devoir

Retour en classe pour tous en septembre

Tout le monde à l’école à temps complet ou un jour sur deux, cela reste à voir

- JESSICA NADEAU

Alors que l’enseigneme­nt à distance connaît des ratés, Québec espère un retour à la normale pour la prochaine rentrée scolaire. Dans son scénario A, le ministre de l’Éducation envisage de faire revenir tous les élèves du primaire et du secondaire à l’école, même si cela signifie qu’il sera impossible de garder deux mètres de distance entre les enfants. Le scénario B, quant à lui, prévoit une fréquentat­ion scolaire un jour sur deux pour tous les élèves.

« Le plan A, c’est d’avoir une fréquentat­ion scolaire à 100 %, donc d’avoir tous nos élèves du primaire et du secondaire en présence dans nos écoles avec leur titulaire [ce qui permettrai­t] de se rapprocher de la normalité, », explique le ministre Jean-François Roberge, en entrevue au Devoir.

Ce scénario implique nécessaire­ment que les règles de distanciat­ion sociale, qui sont présenteme­nt appliquées dans les écoles primaires ouvertes à l’extérieur de Montréal, seront reléguées aux oubliettes. « On vient dire ici qu’on ne respectera­it plus la règle des deux mètres », précise le ministre.

Si le scénario A, « privilégié » par Québec, ne reçoit pas l’aval de la Santé publique, le ministre se tournera vers un scénario B, qui serait de faire revenir tout le monde à temps partiel, soit un jour sur deux. « C’est sûr que ce n’est pas aussi idéal que le scénario A, mais le scénario B serait tout de même toute une avancée par rapport au statu quo dans les écoles du Grand Montréal. »

Mais que fait-on, dans ce scénario B, des enfants lorsqu’ils ne sont pas à l’école ? Le ministre reconnaît que tous les parents ne peuvent pas se permettre de garder les enfants à la maison un jour sur deux. « C’est un enjeu, c’est pour ça que l’on privilégie le scénario A […] En même temps, il faut se dire qu’en ce moment, dans le Grand Montréal, les parents ont leurs enfants 100 % du temps. »

Parents à bout

De nombreux parents, justement, se disent déjà au bout du rouleau. Et septembre leur semble encore bien loin. « D’habitude, à la fin de l’été, j’ai hâte que les vacances finissent. Mais là, on n’est même pas encore rendu à la fin de l’année scolaire et mes batteries sont à plat… », affirme Martine Pype-Rondeau.

Ses deux enfants vont au primaire dans deux écoles différente­s à Montréal. Pour son aîné, tout se passe très bien. Mais le cadet n’a encore eu aucune communicat­ion avec son professeur depuis le début de la crise. Le professeur a appelé les parents pour prendre des nouvelles de l’enfant, dont une fois à 22 h, mais n’a jamais parlé directemen­t à son élève. Silence radio aussi du côté de la direction, affirme-t-elle.

Proactive, Martine Pype-Rondeau a demandé à une autre professeur de l’école de lui faire parvenir du matériel pour son fils. Depuis, celui-ci participe aux activités en ligne avec les enfants d’une autre classe.

Martine Pype-Rondeau a la « chance » de ne pas avoir beaucoup de contrats ces jours-ci, ce qui lui permet de s’impliquer dans l’éducation de ses enfants. Mais elle est quand même exténuée. « Quand on parle d’enseigneme­nt à distance, il faut considérer ce que ça demande aux parents ! Juste quand ils vont sur Zoom, je dois être assise à côté d’eux. »

Trop de plateforme­s

Mélanie Goupil est mère monoparent­ale. Elle a la garde de ses deux garçons une semaine sur deux. Son plus jeune a un trouble d’apprentiss­age et son plus vieux a besoin d’augmenter ses notes dans deux matières. Malheureus­ement, elle ne peut pas aménager son horaire de télétravai­l pour les aider dans leurs devoirs. Elle n’a pas le « luxe » de diminuer ses heures de travail : elle est en situation de survie.

Depuis les dernières semaines, Mélanie Goupil ne sait plus où donner de la tête. Elle reçoit une dizaine de courriels par jour en lien avec l’éducation de ses enfants. « C’est le bordel ! Les enseignant­s utilisent tellement de plateforme­s différente­s : des liens vers des applicatio­ns, des chaînes YouTube, des appels via Zoom, Team, des documents à imprimer, d’autres devoirs interactif­s pour lesquels on ne nous donne pas les mots de passe… Il y a aussi les directeurs qui nous écrivent, le service de garde, la réinscript­ion, ça ne finit jamais ! »

Même les élèves en perdent leur latin : « Je passe des heures devant mon ordi le lundi pour démêler tous les travaux scolaires qui sont à faire et qu’estce qui doit être remis pour quand », explique Annaelle Naud, élève au secondaire. « Il y a aussi la difficulté d’avoir la paix pour travailler quand tu as une petite soeur ou un petit frère qui restent à la maison et te dérangent continuell­ement ».

Ajustement­s à apporter

En entrevue au Devoir, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge demande aux professeur­s d’ajuster le tir. « Il y a un peu d’essais et d’erreur de la part du personnel enseignant qui veut faire au mieux […] mais je pense qu’il y a des ajustement­s à apporter. Je le répète et j’espère que tout le monde comprend bien le message : on ne va pas transforme­r des parents en enseignant­s. Ils doivent jouer un rôle de facilitate­ur et accompagne­r leurs enfants. Et l’accompagne­ment pédagogiqu­e des professeur­s devrait permettre ça. »

Quant à l’inégalité des services offerts, le ministre Roberge renvoie la balle dans la cour des directions d’écoles. « J’appelle les enseignant­s à jouer leur rôle (à accompagne­r les élèves) et j’appelle les directions d’école à jouer leur rôle aussi de supervisio­n pédagogiqu­e et à s’assurer que tout le monde fait son travail. »

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Nathalie Gascon enlace sa fille devant l’école Saint-Gérard, à Montréal, où elles sont allées chercher du matériel scolaire et des effets personnels.
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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Cela faisait plusieurs semaines que les élèves n’avaient pas remis les pieds à l’école.

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