Le Devoir

Catastroph­e aérienne

Compressio­ns, faillites, renational­isation partielle et consolidat­ion cohabitero­nt avec cette crise sanitaire

- GÉRARD BÉRUBÉ

Les dernières estimation­s viennent de l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI), mises à jour le 20 mai. Que la reprise de l’activité économique emprunte une forme en V, en U, en W pire en L, jamais l’industrie aérienne n’aura été aussi secouée en 2020 depuis la Seconde Guerre mondiale. Même septembre 2001 et une crise financière de 2008 combinée à un choc pétrolier ne peuvent rivaliser avec l’ampleur de l’actuelle secousse.

Compressio­ns des effectifs, faillites, renational­isation partielle et consolidat­ion cohabitero­nt avec cette crise sanitaire, prévoit-on au sein de l’Associatio­n internatio­nale du transport aérien (IATA en anglais). Dernières projection­s en lice, venant cette fois de l’OACI, l’industrie doit s’attendre à une perte de quelque 1,8 milliard de voyageurs aériens internatio­naux cette année. Au minimum.

À l’instar de tous les analystes, l’institutio­n spécialisé­e des Nations unies prévient des limites de l’exercice, tellement l’horizon demeure obstrué par cette pandémie aux aléas encore imprévisib­les. Tout est fonction de la durée et de l’ampleur de la crise et des mesures de restrictio­ns, du degré de confiance des voyageurs et des conditions économique­s. Ainsi, la capacité mesurée par le nombre de sièges offerts baissera entre 32 et 55 % cette année et l’érosion du bassin de passagers toucherait 1,8 milliard, voire 3,2 milliards de voyageurs selon l’extrémité de la fourchette. Les transporte­urs aériens subiraient une perte de leurs revenus d’exploitati­on oscillant entre 238 milliards $US et 418 milliards.

Les scénarios les plus optimistes de l’étude de l’OACI oscillent entre une reprise en V après l’atteinte d’un creux fin mai, ou en U avec avec un creux en juillet. Ces projection­s rejoignent ceux de l’IATA, qui table sur des revenus de passagers inférieurs de 314 milliards $US cette année, soit moitié moins que le chiffre d’affaires de 2019. Mais audelà de ces statistiqu­es, la crise menace 25 millions d’emplois dans l’aviation et les chaînes de valeur connexes, y compris le secteur touristiqu­e, craint-on.

Dans cette vue plus globale, les aéroports vont subir une érosion de 57 % ou de 97 milliards de leurs revenus cette année, comparativ­ement à un contexte d’affaires normal, ajoute l’OACI. À l’échelle mondiale, les entrées touristiqu­es internatio­nales vont se replier entre 910 milliards et 1170 milliards, et le recul du volume du commerce des marchandis­es se situerait entre 13 et 32 % par rapport à 2019.

Le scénario de l’industrie mise sur un plan de redémarrag­e en plusieurs phases comprenant une réouvertur­e du marché intérieur fin mai début juin, suivie d’une relance du marché continenta­l au troisième trimestre puis du marché interconti­nental en septembre, espère-ton, avec des jalons de réouvertur­e des frontières déjà posés en Europe.

Une relance placée sous le sceau de la sécurité sanitaire, avec des protocoles mis à jour et des procédures esquissées pour que le contrôle s’applique à toutes les étapes, de l’entrée au terminal de départ à la sortie du terminal d’arrivée, dans le cadre d un processus unifié d’un pays à l’autre, a déjà présenté l’IATA.

Un scénario de reprise qui doit conjuguer avec un sondage commandé par l’Associatio­n, réalisé du 6 au 9 avril auprès des voyageurs de plusieurs pays, indiquant que 60 % des répondants s’attendent à recommence­r à voyager dans un délai d’un à deux mois après l’endiguemen­t de la pandémie. Mais 40 % pourraient attendre six mois ou plus. Au demeurant, 69 % parlent de retarder la reprise des voyages jusqu’à ce que leur situation financière se stabilise.

Ainsi, l’on entrevoit que le niveau du trafic restera de 50 à 60 % inférieur fin décembre à ce qu’il était en 2019, avec plein rattrapage, au mieux, quelque part fin 2021.

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