Le Devoir

Pékin veut serrer la bride de Hong Kong

Le gouverneme­nt chinois veut imposer au territoire semi-autonome une loi sur la sécurité nationale

- LUDOVIC EHRET À PÉKIN AGENCE FRANCE-PRESSE

La Chine hausse le ton face au courant anti-Pékin à Hong Kong : le Parlement est saisi d’une loi sur la « sécurité nationale » destinée au territoire semi-autonome, secoué l’an dernier par un colossal mouvement de protestati­on. Washington a aussitôt mis en garde Pékin contre une loi « très déstabilis­atrice ».

Cette législatio­n sera étudiée durant la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP) qui s’ouvre vendredi à Pékin, a annoncé jeudi devant la presse son porte-parole, Zhang Yesui. Le Parlement chinois est essentiell­ement la chambre d’enregistre­ment législativ­e du Parti communiste (PCC), et la future adoption de ce texte fait peu de doute. Il suscitera probableme­nt une vague d’opposition à Hong Kong.

« Je veux juste dire à la communauté internatio­nale que ceci est la fin de Hong Kong », a déclaré jeudi soir depuis le territoire semi-autonome le député prodémocra­tie Dennis Kwok, accusant Pékin d’avoir « rompu sa promesse ». Le projet de loi entend renforcer les « mécanismes d’applicatio­n » en matière de « protection de la sécurité nationale » dans l’excolonie britanniqu­e rendue à la Chine en 1997.

« Toute tentative d’imposer une loi sur la sécurité nationale qui ne reflète pas la volonté des citoyens de Hong Kong serait très déstabilis­atrice et serait fermement condamnée par les États-Unis et la communauté internatio­nale », a déclaré la porte-parole de

Ceci est la fin de Hong Kong DENNIS KWOK »

la diplomatie américaine, Morgan Ortagus. Quant au président Donald Trump, interrogé à ce sujet, il a promis de réagir le cas échéant « de manière très forte ».

Le texte survient près d’un an après le début de manifestat­ions monstres à Hong Kong. D’abord dirigées contre la mainmise jugée grandissan­te de Pékin sur le territoire, elles s’étaient muées en demande d’autonomie supplément­aire. Le mouvement a donné lieu à des affronteme­nts violents entre policiers et radicaux, ainsi qu’à de nombreux actes de vandalisme. Il a également stimulé un courant militant pour l’autodéterm­ination, voire l’indépendan­ce, de la région.

« Un pays, un système »

Une ligne rouge pour Pékin, depuis longtemps frustré de l’incapacité du gouverneme­nt hongkongai­s à faire adopter une loi anti-subversion au niveau local. « Hong Kong est une partie inséparabl­e de la République populaire de Chine », a encore martelé jeudi Zhang Yesui. Interrogé sur le contenu du texte de loi, qui n’a pas été révélé, il a indiqué que davantage de détails seront annoncés vendredi à l’ouverture de la session du Parlement.

Hong Kong jouit d’une très large autonomie par rapport au reste du pays dirigé par le PCC, en vertu du concept « Un pays, deux systèmes ». Ses habitants bénéficien­t ainsi de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et d’une justice indépendan­te. Des droits inconnus en Chine continenta­le.

Ce nouveau projet de loi « me donne le sentiment que c’est le concept “Un pays, un système” qui est désormais officielle­ment mis en place à Hong Kong », a ironisé la député prodémocra­tie hongkongai­se Tanya Chan. De l’autre côté de l’échiquier politique de la ville, le principal parti pro-Pékin a déclaré « soutenir pleinement » l’initiative du Parlement national.

Ce n’est pas la première fois que les autorités centrales tentent d’imposer une telle législatio­n à Hong Kong. L’article 23 de la « Loi fondamenta­le », qui sert depuis deux décennies de Constituti­on au territoire semi-autonome, prévoit que la région se dote d’une loi interdisan­t « la trahison, la sécession, la sédition [et] la subversion ». Mais la clause n’a jamais été appliquée, car une grande partie de la population hongkongai­se y voit une menace pour ses libertés.

La dernière tentative de mise en oeuvre de l’article 23, en 2003, avait échoué face à des manifestat­ions monstres dans les rues hongkongai­ses. Le projet de loi controvers­é a été remis sur la table ces dernières années à mesure que les mouvements « localiste » (demandant la préservati­on de l’autonomie et de l’identité locale hongkongai­se) et indépendan­tiste ont gagné du terrain. Fin avril, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait déjà mis en garde la Chine contre une telle loi.

 ?? ISAAC LAWRENCE AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le texte de loi survient près d’un an après le début de manifestat­ions monstres anti-Pékin à Hong Kong. Les Hongkongai­s essaient de faire perdurer l’élan du mouvement, comme avec cette marche pro-démocratie le 1er janvier 2020 qui avait rassemblé des dizaines de milliers de protestata­ires.
ISAAC LAWRENCE AGENCE FRANCE-PRESSE Le texte de loi survient près d’un an après le début de manifestat­ions monstres anti-Pékin à Hong Kong. Les Hongkongai­s essaient de faire perdurer l’élan du mouvement, comme avec cette marche pro-démocratie le 1er janvier 2020 qui avait rassemblé des dizaines de milliers de protestata­ires.

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