Des aînés condamnés à l’inactivité
Une préposée aux bénéficiaires s’inquiète du sort réservé à ses patients et demande à l’État d’adoucir leur vie
Une préposée aux bénéficiaires craint de voir « mourir à petit feu » les résidents des CHSLD. Elle lance un cri du coeur au gouvernement Legault en le pressant d’agir pour éviter que ne dépérisse davantage la santé physique et mentale de ces aînés confinés.
« Les gens qui étaient capables de manger seuls ne le sont plus. D’autres sont tellement ankylosés qu’ils ne peuvent plus marcher », s’inquiète Maude Lépine.
Chaque fois qu’elle rentre au boulot, son coeur vacille un peu plus à la vue des résidents qu’elle juge abandonnés à leur sort. « Ce qui me choque, c’est qu’ils sont coincés dans leur chambre 24 heures sur 24 depuis plus de deux mois, qu’ils aient la COVID ou non », s’insurge-t-elle.
Avocate de formation, la femme de 28 ans a voulu aider avec ses « bras » le réseau de la santé. Le mois dernier, elle est donc devenue bénévole à la Villa Val des Arbres, un CHSLD privé de Laval. Devant l’ampleur du travail à abattre, on lui a offert un poste il y a deux semaines comme préposée aux bénéficiaires.
Il faut dire que le virus a frappé fort dans ce centre d’hébergement. Au plus fort de la crise, les deux tiers de la clientèle étaient infectés (85 cas). Devant le manque criant de travailleurs — huit employés sur dix manquaient à l’appel —, l’armée a été envoyée en renfort.
« Il y a eu beaucoup de morts. Quand je circule sur les étages, c’est effarant le nombre de chambres vides », souffle Maude Lépine. Aujourd’hui, sept personnes sont infectées et quinze ont succombé à la maladie, selon le dernier bilan officiel.
Pendant ce temps, le confinement des résidents se poursuit pour éviter une flambée de contagion. Mais selon la préposée, le remède est quasi pire que la maladie. « C’est important de comprendre : ils n’ont pas des appartements, insiste-t-elle. C’est une petite chambre sans balcon, avec une fenêtre qui s’ouvre une fois sur deux. »
Les sources de divertissement ne sont pas non plus à la portée de tous. Plusieurs ne peuvent se stimuler l’esprit en lisant un livre par exemple, apporté par leurs proches avant la crise. « Hier, j’ai aidé deux messieurs pour qui leur famille est absente. Dans leur chambre, il n’y a aucune télévision, aucune radio, pas une seule photo. C’est quatre murs blancs », laisse-t-elle tomber.
Angle mort
Selon Maude Lépine, il est urgent pour Québec de pallier les effets dévastateurs du confinement « sévère » sur les patients des CHSLD, un « angle mort » de sa gestion de l’épidémie. « Il faut assouplir les mesures de confinement parce que c’est en train de les tuer. C’est de la torture, c’est pire que la prison », plaide celle qui a envoyé mardi une lettre au gouvernement.
Surtout alors que Québec poursuit son déconfinement graduel de la société, dit-elle, avec l’ouverture imminente des commerces du Grand Montréal, des salons de coiffure et des musées, entre autres. « Et pour les aînés des CHSLD, il n’y a rien qui se passe. »
Pourtant, des résidents n’en peuvent déjà plus. Mme Lépine évoque pour preuve cette dame qui a explosé de colère devant elle la semaine dernière. « Elle criait : “J’t’écoeurée, j’t’écoeurée ! On nous traite comme des enfants de cinq ans”. »
Consciente que le virus circule toujours, la nouvelle préposée y va tout de même de propositions dans sa missive. Elle suggère notamment au gouvernement d’encadrer la visite de proches, de dépêcher des ergothérapeutes et des psychologues, ou encore d’envoyer des « trousses » avec crayons, revues ou casse-tête. Tout en veillant à la sécurité de tous.
D’autant plus que plusieurs résidents étaient de fidèles participants à des activités. « Un des résidents, habitué du bingo, ne peut plus rien faire. Parfois, on le retrouve à déambuler dans le corridor, mais on n’a pas le choix de l’escorter à sa chambre », raconte-t-elle le coeur brisé.
La direction du CHSLD Villa Val des Arbres n’a pas répondu aux questions du Devoir.
Au CIUSSS de Laval, on assure que, pour les CHSLD, la directive est que les résidents non infectés et ceux qui sont complètement guéris peuvent sortir, à condition d’appliquer les consignes sanitaires et d’être accompagnés.