Le Devoir

Une applicatio­n de suivi de contacts « intelligen­te et éthique »

- Marc-Antoine Dilhac, Yoshua Bengio et les chercheurs de Mila*

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19, comme près d’une centaine de pays à travers le monde, le Canada envisage l’utilisatio­n d’une applicatio­n de recherche de contacts.

L’équipe de Mila, l’Institut québécois d’intelligen­ce artificiel­le à Montréal, développe une technologi­e « intelligen­te » qui irait au-delà des méthodes traditionn­elles pour prédire un risque personnel de contagion. Mais pourquoi développer une telle applicatio­n ? Quelles sont les conséquenc­es pour les droits et les libertés fondamenta­les ? Est-ce un nouvel outil de surveillan­ce de masse ? Ce sont des questions légitimes et il est essentiel d’y répondre et de lever les malentendu­s.

Tout d’abord, il n’existe pas de solution simple à la pandémie. Une bonne stratégie pour limiter la propagatio­n du virus doit intégrer différents dispositif­s. Un de ces dispositif­s, combiné aux tests biologique­s et aux mesures de distanciat­ion physique, est le suivi de contacts grâce aux appareils mobiles personnels.

L’approche de Mila se distingue par la philosophi­e qui anime le projet, les buts et les moyens utilisés pour les atteindre. Avec cette applicatio­n, l’idée est d’aider les citoyens à être les acteurs de leur propre santé et de celle de leurs proches, et d’accroître leurs capacités à se protéger contre le virus. L’applicatio­n a ainsi pour but de fournir une informatio­n pertinente à ses utilisateu­rs, d’améliorer leur connaissan­ce des risques d’infection et de formuler des recommanda­tions ciblées. Grâce à sa capacité prédictive, elle permet d’avertir les utilisateu­rs potentiell­ement infectés avant même qu’ils développen­t des symptômes de la maladie, au moment où ils sont justement les plus contagieux sans le savoir. L’applicatio­n permet également d’informer les autorités publiques de la santé de l’évolution de la pandémie avec des données épidémiolo­giques complément­aires, permettant de voir venir des flambées du virus.

Mais, nous le savons, les dispositif­s technologi­ques ne sont pas neutres. C’est pourquoi il est crucial de prendre en considérat­ion les principes éthiques et les valeurs démocratiq­ues dès la conception des systèmes d’IA afin de déterminer leur utilisatio­n légitime. Les chercheurs de Mila ont contribué à la Déclaratio­n de Montréal pour un développem­ent responsabl­e de l’IA (2018), dont les principes constituen­t des balises éthiques pour la conception de l’applicatio­n.

En outre, le développem­ent de cette applicatio­n se fait dans le cadre plus général de la Charte canadienne du numérique (2019) et respecte scrupuleus­ement la Charte canadienne des droits et libertés (1982). L’applicatio­n

Grâce à sa capacité prédictive, l’applicatio­n permet d’avertir les utilisateu­rs potentiell­ement infectés avant même qu’ils développen­t des symptômes de la maladie, au moment où ils sont justement les plus contagieux sans le savoir respecte aussi les principes énoncés dans Déclaratio­n commune des gardiens du droit à la vie privée sur les applicatio­ns de recherche de contacts exposés à la COVID-19 du 7 mai 2020.

Mais, concrèteme­nt, comment l’applicatio­n fonctionne-t-elle ? En croisant de multiples indicateur­s sur l’état de santé des utilisateu­rs, leurs caractéris­tiques personnell­es et leurs interactio­ns avec d’autres usagers, l’algorithme de l’applicatio­n déterminer­a la probabilit­é d’être porteur du virus. L’informatio­n transmise traduira la probabilit­é d’infection en recommanda­tions personnali­sées. Les utilisateu­rs recevront des notificati­ons leur suggérant d’éviter de sortir dans des lieux publics, de garder plus de distance, ou encore de consulter pour se faire dépister.

Encourager et non contraindr­e

Dans le respect du principe d’autonomie et des libertés fondamenta­les, l’applicatio­n encourage les utilisateu­rs à poser les bons gestes, mais ne les y contraint pas et ne peut les surveiller parce que les données les plus sensibles restent sur l’appareil. Par ailleurs, l’installati­on de l’applicatio­n ne sera pas obligatoir­e, pas plus que son utilisatio­n. Les utilisateu­rs devront exprimer leur consenteme­nt au moment de l’installati­on, mais aussi dans les différente­s étapes du partage de leurs informatio­ns avec l’applicatio­n.

Conforméme­nt aux principes éthiques et juridiques de protection de la vie

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