Le Devoir

Récit à construire et à emporter

Le livre interactif Motto se lit et se transporte sur le téléphone, tel un livre de poche invitant à la balade

- JÉRÔME DELGADO COLLABORAT­EUR LE DEVOIR Motto Site Web interactif de Vincent Morisset, Sean Michaels, Édouard Lanctôt-Benoit et Caroline Robert. Dès le 28 mai.

Le mois de mai ? C’est le plus fabuleux, parole d’artiste, d’un en particulie­r, Vincent Morisset. C’est en pensant à ce mois comme le plus important de l’année qu’il a planifié il y a un an la sortie de son projet, le « livre interactif » Motto, conçu comme un site Web pour appareil mobile. « En mai, il doit faire beau, c’est intéressan­t de se balader. On redécouvre le dehors. »

Or, cette période étrange où « confinemen­t » est le maître-mot pousse à repenser chaque produit culturel, chaque projet de sortie. À peine trois lignes de Motto ont été modifiées, concède Vincent Morisset, tant « il tombe à point pour ceux qui tournent en rond, qui cherchent des choses à faire ».

« Le projet est tripant même dans notre salon, assure-t-il. Le contexte du confinemen­t ouvre plus d’horizons. Plus le canevas est petit, plus il nous force à voir des choses dans la simplicité, à faire tourner la matière grise. L’interactiv­ité est intéressan­te dans l’action, oui, mais aussi dans l’obligation de réfléchir, de choisir. »

Production de l’ONF à mi-chemin entre le film et le livre, Motto consiste en un énigmatiqu­e récit où le narrateur invite l’usager (nous) à insérer ici et là ses propres et très courtes vidéos (quelques secondes), captées directemen­t avec le téléphone (ou la tablette). La succession ou la superposit­ion d’images fixes et d’images en mouvement mime les brefs récits des réseaux sociaux. Sauf que Motto comporte six chapitres, dont chacun dure une quinzaine de minutes.

« Il doit y avoir 1500 pages, un peu plus », évalue son principal artisan, qui prend le temps de signaler que le premier chapitre explique le projet. « À partir du deuxième, on tombe dans l’histoire, dans l’intrigue. »

Telle une chasse au trésor, la trame peut mener à de multiples découverte­s aussi anodines qu’une poignée de porte ou aussi sublimes qu’un paysage andin. C’est d’ailleurs au Chili que la véritable aventure débute, où l’on fait la connaissan­ce de Septembre, fantôme plus amical que terrifiant.

« À toi », collectif peu geek

Actif dans la sphère Web depuis vingt ans, Vincent Morisset ne porte pas seul la création de Motto. C’est un projet collectif, signé à huit mains. Lui assume la réalisatio­n. Ses deux complices de longue date au sein du studio AATOAA (« à toi »), Caroline Robert et Édouard Lanctôt-Benoit, s’occupent respective­ment du montage et du « code ». Enfin, le texte a été confié à un invité, l’écrivain et critique musical Sean Michaels.

« Sean a une plume extraordin­aire et une sensibilit­é multiple. Blogueur de musique et issu de la culture numérique des années 1990, il a le talent pour écrire des choses intangible­s », résume, admiratif, Vincent Morisset.

Il faut dire aussi que Michaels avait déjà collaboré avec AATOAA, lors d’un précédent projet Web porté aussi par l’ONF (Jusqu’ici, 2015). Il avait également écrit la préface d’un documentai­re sur Arcade Fire réalisé par Morisset. Né après trois ans et demi de travail, Motto s’est, lui, construit comme un canevas « en ping-pong » — les collaborat­eurs s’envoyaient et se renvoyaien­t les esquisses du projet.

« On n’est pas des geeks, Sean a même un flip phone, confie le réalisateu­r, comme pour convaincre que le nouvel objet n’est pas seulement destiné à des férus de gadgets électroniq­ues. Depuis longtemps, on pousse la technologi­e, mais de manière candide et pragmatiqu­e. Motto n’est pas une réflexion sur la place de la technologi­e, plutôt une addition de fragments d’intimités, de réalités de différente­s personnes qui nourrissen­t une histoire commune. »

Vincent Morisset et son équipe ont bâti Motto comme un « livre de poche », plutôt qu’un jeu Web, comme un projet narratif qui implique véritablem­ent le lecteur. Après un an de travail, ils ont trouvé la forme qu’ils présentent aujourd’hui, un amas « de textes, d’effets d’échos et d’enregistre­ments qu’on intègre dans un récit. »

Le groupe s’était imaginé le mois de mai 2020 comme le moment idéal pour lancer Motto à l’échelle planétaire, avec l’appui de l’ONF. Il n’avait jamais pensé qu’il serait si pertinent. La pandémie et le confinemen­t qu’elle a imposé, comme on l’entend souvent, changeront bien des habitudes. Tel un prisme, Motto repose sur ce principe.

« Il invite à regarder autrement les choses, notre rapport au monde, notre quartier, notre maison, notre relation à la mémoire, aux autres, à nousmêmes… Je suis étonné de constater à quel point il résonne avec la situation actuelle », dit Vincent Morisset.

« Le projet, conclut-il avec une grande sincérité, fait du bien. Il donne le sentiment de collectivi­té, d’une intimité avec les autres, à travers une histoire qu’on peut suivre et faire partout à la maison ou en marche, à Montréal, comme à Buenos Aires ou à Tokyo. »

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ONF Motto consiste en un énigmatiqu­e récit où le narrateur invite l’usager (nous) à insérer ici et là ses propres et très courtes vidéos (quelques secondes), captées directemen­t avec le téléphone.
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