Le Devoir

Pour un été de culture à l’école !

- Olivier Dezutter et Martin Lépine Professeur­s à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke et codirecteu­rs du Collectif de recherche sur la continuité des apprentiss­ages en lecture et en écriture *

À l’heure du déconfinem­ent graduel, l’annonce de l’ouverture des camps de jour cet été a été reçue comme une véritable bouffée d’oxygène, dont vont profiter, espérons-le, le plus possible d’enfants, de jeunes et de parents ! Le premier ministre, le bon docteur Arruda ainsi que les pédiatres ont justifié leur décision en soulignant l’importance capitale de la socialisat­ion et du jeu dans le développem­ent des jeunes enfants. Personne ne contestera les bienfaits de cette heureuse initiative, qui mériterait d’être étendue afin d’offrir, durant la période estivale, des ateliers culturels dans les écoles primaires et secondaire­s, animés par des profession­nels des arts et de la culture. Une fenêtre vient de s’ouvrir avec la réouvertur­e prochaine des musées, des bibliothèq­ues et des cinéparcs, mais cela ne suffit pas !

L’art sous toutes ses formes est aussi essentiel que l’activité physique pour notre santé. De nombreuses discipline­s artistique­s (la danse, la musique, le chant, le théâtre, la peinture) animent autant le corps que l’esprit, et elles peuvent se pratiquer en respectant les nouvelles règles sociosanit­aires. Qu’aurait été notre période de confinemen­t sans le partage des créations artistique­s de toutes formes qui ont fleuri sur nos écrans et trouvé place dans nos médias ? La place accordée à l’accès à la culture par rapport à l’accès aux autres secteurs d’activité jugés plus ou moins essentiels dans les calendrier­s de déconfinem­ent des différents pays est révélatric­e de choix sociétaux. Pourquoi la réouvertur­e des musées et des salles de spectacle devrait-elle nécessaire­ment passer après celle des magasins, des terrains de golf et des salons de toilettage pour animaux ?

Le comédien français Philippe Torreton a fait cette propositio­n forte au président Macron : que la réouvertur­e des écoles dans l’Hexagone se fasse en laissant une place importante aux activités culturelle­s et que les artistes au statut précaire occupent une place permanente dans les milieux scolaires pour y travailler en collaborat­ion avec les personnes enseignant­es.

Depuis le rapport Parent, les gouverneme­nts successifs ont affiché une volonté politique de renforcer les liens entre culture et éducation. La nouvelle politique culturelle du Québec s’inscrit dans cette vision, et des moyens financiers ont été dégagés pour permettre à tous les élèves du Québec de bénéficier de sorties culturelle­s et de vivre des expérience­s culturelle­s significat­ives. La réalité demeure toutefois très variable dans ce domaine d’un établissem­ent scolaire à l’autre.

Allons plus loin ! Soyons audacieux, débrouilla­rds et créatifs !

Ouvrons les écoles dès cet été ! Mobilisons les acteurs des milieux de l’éducation et de la culture pour offrir, en complément des activités habituelle­ment proposées au sein des camps de jour, partout à travers le Québec et en particulie­r dans les régions éloignées et dans les quartiers défavorisé­s des grandes villes, des activités culturelle­s variées, assurées en partenaria­t par des profession­nels des arts et de l’éducation.

Des réflexions sont en cours pour éventuelle­ment organiser, durant ces vacances, des cours de rattrapage dans les matières de base pour les élèves en difficulté­s d’apprentiss­age. Si l’on souhaite vraiment éviter le décrochage de ces élèves vulnérable­s, accrochons-les en leur proposant aussi des activités qui leur permettron­t de s’initier à diverses discipline­s artistique­s et de s’engager dans des projets de création. Plusieurs recherches ont fait la preuve que, si les activités culturelle­s sont intégrées dans les cursus scolaires et associées à l’apprentiss­age des autres matières scolaires, elles constituen­t un levier essentiel de motivation pour de nombreux élèves et contribuen­t fortement à leur bien-être à l’école et en dehors de celle-ci.

Faisons en sorte que l’école de demain, qui sera en partie celle de la distanciat­ion physique, soit également un lieu unique de rapprochem­ent et d’épanouisse­ment par la culture et les arts !

*Cette lettre est cosignée par : Myriam Lemonchois, professeur­e à la Faculté d’éducation de l’Université de Montréal; Marie-Christine Beaudry, professeur­e à la Faculté d’éducation de l’Université du Québec à Montréal; Frédéric Bélanger, auteur, acteur, metteur en scène et directeur de théâtre; Marie-Annick Lépine, multi-instrument­iste des Cowboys Fringants; Naomi Fontaine, autrice et enseignant­e de français au secondaire; David Goudreault, écrivain et travailleu­r social.

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