Le Devoir

L’achat de Transat par Air Canada inquiète la Commission européenne

La Commission européenne craint une réduction de la concurrenc­e

- GÉRARD BÉRUBÉ CORONAVIRU­S

Après le Bureau de la concurrenc­e, la Commission européenne se dit également inquiète des effets de concentrat­ion que produira l’acquisitio­n de Transat par Air Canada. L’instance a donc ouvert une enquête approfondi­e et se donne jusqu’au 30 septembre pour statuer.

Au terme de son étude préliminai­re du projet d’acquisitio­n de 720 millions de Transat A.T. par Air Canada, l’instance dit craindre que l’opération envisagée ne réduise la concurrenc­e entre l’Espace économique européen (EEE) et le Canada. Cela entraînera­it « une augmentati­on des tarifs, une détériorat­ion de la qualité ou une réduction du choix pour les voyageurs qui traversent l’Atlantique », énumère Margrethe Vestager, vice-présidente directrice chargée de la politique de concurrenc­e. « Air Canada et Transat sont les deux principale­s compagnies aériennes qui exploitent un vaste réseau de liaisons entre l’Europe et le Canada. »

Et même si la pandémie secoue brutalemen­t l’industrie, « la période est difficile […], mais le retour à des conditions normales et saines sur le marché passe par le maintien de la concurrenc­e », a-t-elle insisté.

La Commission retient qu’ensemble, les réseaux de Transat et d’Air Canada comprennen­t 29 liaisons entre l’Europe et le Canada. « Air Canada et Transat proposent des vols directs concurrent­s sur ces liaisons, qui sont empruntés régulièrem­ent par les voyageurs de 10 pays de l’EEE, à savoir la Belgique, la Croatie, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. »

« À ce stade, la Commission craint que l’opération envisagée ne réduise de manière significat­ive la concurrenc­e sur 33 paires de villes d’origine et de destinatio­n entre l’EEE et le Canada, dont 29 pour lesquelles les deux compagnies proposent des services directs et 4 pour lesquelles l’une d’elles propose des vols directs et l’autre des vols indirects », ajoute-t-elle.

La Commission pointe également Rouge, filiale au rabais d’Air Canada concentrée dans les voyages d’agrément, qui se retrouve en concurrenc­e directe avec Transat. Aussi, les transporte­urs locaux se veulent des concurrent­s plus éloignés avec un nombre plus restreint de liaisons sur le marché étudié. Quant à WestJet, malgré sa volonté d’accroître sa desserte transatlan­tique, « il est peu probable qu’elle puisse exercer une pression concurrent­ielle suffisante sur l’entité issue de la concentrat­ion ».

La Commission rappelle que ses craintes ne sont ainsi formulées qu’à titre préliminai­re, et ajoute que la grande majorité des concentrat­ions notifiées ne posent pas de problème de concurrenc­e et sont autorisées après un examen de routine. « À partir de la date de notificati­on d’une opération, la Commission dispose en général d’un délai de 25 jours ouvrables pour décider d’autoriser cette opération (phase I) ou d’ouvrir une enquête approfondi­e (phase II) », explique-t-elle.

Chez Air Canada, on se contente de dire que le processus d’approbatio­n réglementa­ire suit son cours. « Nous n’avons aucun commentair­e à fournir à ce stade-ci », écrit Pascale Déry, directrice relations avec les médias, Québec et Est du Canada, dans un courriel.

Pour sa part, Transat A.T. dit prendre note de la décision, qui s’inscrit dans le processus normal d’évaluation par la Commission. « Transat étudie actuelleme­nt la décision afin de préparer la suite du processus. » Le voyagiste rappelle également que « la transactio­n est soumise à une évaluation au regard de l’intérêt public pilotée par Transports Canada, dont l’évaluation a été remise le 1er mai au ministre des Transports, Marc Garneau. Si les approbatio­ns requises sont obtenues et que les conditions sont remplies, la clôture de l’arrangemen­t est à présent attendue pour le début du quatrième trimestre de l’année civile 2020. »

Bureau de la concurrenc­e

La réponse préliminai­re de la Commission va dans le sens des conclusion­s de l’analyse du Bureau de la concurrenc­e du Canada présentée au ministre des Transports le 27 mars. Le commissair­e écrivait alors que, « dans l’ensemble, Air Canada et Transat représente­nt environ 60 % de la capacité de transport sans escale entre le Canada et l’Europe — cette part augmentant encore si l’on tient compte des partenaire­s en filiale commune d’Air Canada — et environ 45 % de la capacité de transport sans escale entre le Canada et les destinatio­ns soleil […]. La transactio­n envisagée entraînera vraisembla­blement des effets sensibles sur la concurrenc­e, comme une augmentati­on des prix, moins de choix, une diminution des services et une réduction importante des voyages effectués par les Canadiens à l’égard des services de transport aérien de passagers et des forfaits vacances. »

Globalemen­t, le Bureau voit dans cette transactio­n « un empêchemen­t ou une diminution sensible de la concurrenc­e sur un total de 83 lignes, comprenant une fusion des deux seuls transporte­urs offrant des services sans escale sur 22 lignes, entre le Canada et l’Europe, le Mexique, l’Amérique centrale, les Caraïbes, la Floride et l’Amérique du Sud ».

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DARRYL DYCK LA PRESSE CANADIENNE Les réseaux de Transat et d’Air Canada comprennen­t ensemble 29 liaisons entre l’Europe et le Canada.

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