Ventiler, c’est mieux !
Les systèmes de ventilation et de climatisation pourraient-ils contribuer à la transmission de la COVID-19 ? Tandis que déferle une vague de chaleur sur le Québec, la question est sur toutes les lèvres, d’autant que de plus en plus d’études indiquent que le SRAS-CoV-2 pourrait se propager par voie aérienne et non pas uniquement par gouttelettes.
Néanmoins, les experts croient que, si l’air contribue bel et bien à la propagation du virus, ce sera dans les milieux mal ventilés qu’il y aura le plus de risques de transmission. « Ventiler des endroits occupés par des personnes infectées est la meilleure façon de se prémunir contre la transmission aérienne du SRAS-CoV-2, si celle-ci a vraiment lieu, parce qu’elle n’a pas encore été démontrée », lance la spécialiste des bioaérosols, Caroline Duchaine, de l’Université Laval.
« Le SRAS-CoV-2 a probablement aussi un mode de transmission aérien [en plus de celui par gouttelettes et par contacts], mais ce n’est pas son principal mode, car le virus n’est pas très adapté à survivre dans l’air. Le SRASCoV-2 est enveloppé d’une membrane lipidique qui le rend un peu plus fragile que d’autres virus qui sont parfaitement adaptés au transport dans l’air, comme la tuberculose et la rougeole. Il y a très peu de chances que le SRAS-CoV-2 résiste à un voyage dans les conduits d’air du système de ventilation et de climatisation, car durant leur transport, les virus seront soumis au stress de l’environnement, dont la dessiccation, et une autre partie restera collée sur les parois », précise Mme Duchaine.
Et comme le souligne une étude de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail, « étant des parasites obligatoires [c.-à-d. qu’ils ne peuvent se reproduire qu’en parasitant une cellule vivante], ces virus ne se multiplieront pas au contact de surfaces humides et de substrats riches en matière organique présents dans les conduits des systèmes de ventilation comme peuvent le faire les bactéries et les moisissures ».
Ainsi, s’il y a une transmission [du SRAS-CoV-2] par l’air, ce sera lors d’un contact rapproché et prolongé avec une personne infectée dans une pièce peu ventilée, car « si une personne infectée respire ou parle dans un lieu où l’air est stagnant, les virus resteront en suspension autour d’elle, ce qui augmentera les risques de contamination », prévient-elle.
Comme le souligne Georges Bendavid, directeur des services techniques du
CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-deMontréal, les composantes de ces systèmes de ventilation et de climatisation qu’on retrouve dans les immeubles à bureaux et les hôpitaux, permettent d’extraire les bioaérosols infectieux.
Dans les grands bureaux où les fenêtres sont absentes ou bloquées, il y a généralement un système qui ressemble à une énorme boîte qui va aspirer l’air du dehors, qui va filtrer cet air et qui, selon la saison, va le chauffer ou le refroidir, l’humidifier ou le déshumidifier. Cet air est ensuite envoyé dans des conduits qui vont distribuer l’air à différents endroits. « Cet air de bonne qualité coûte cher parce qu’on l’a filtré, chauffé, refroidi, distribué, on ne veut donc pas s’en débarrasser, alors on a un deuxième réseau de conduits qui aspire cet air-là et qui le renvoie vers la grosse boîte initiale, pour qu’il soit réinjecté dans le bâtiment », mais en prenant soin de toujours introduire de 10 à 30 % d’air neuf venant de l’extérieur afin de ne pas atteindre des niveaux de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone trop élevés. Cette quantité d’air neuf remplace l’air qui est évacué par les toilettes », explique M. Bendavid.
De plus, on procède à un certain nombre de changements d’air complets toutes les heures selon les normes édictées par la Canadian Standard Association et l’ASHRAE des États-Unis. Dans un bloc opératoire, on procède à 20 changements d’air par heure. Pour une chambre normale de patient, ce sera beaucoup moins, environ six changements par heure, et pour un bureau, ce sont deux ou trois changements », précise-t-il.
La filtration est un autre paramètre d’importance dans la ventilation. Même s’il n’existe pas de filtre doté de trous de la taille du SRAS-CoV-2, qui ne mesure que 75 nanomètres, la plupart des filtres de capacité MERV 12 à
La ventilation est probablement la dernière chose qui va nous contaminer GEORGES BENDAVID
14 employés dans les systèmes de ventilation mécanique des bureaux réussiront à retenir les particules virales. « Un virus ne va jamais se balader tout seul dans l’air. Il a besoin d’un véhicule. Plusieurs virus vont se mettre ensemble et s’accrocher à une particule de poussière ou une gouttelette en suspension dans l’air », explique-t-il.
« Un filtre à air dont les trous mesurent 10 microns, par exemple, retiendra des particules de quelques nanomètres en raison de la contribution des forces électrostatiques, de diffusion, d’impact et de gravitation, qui en se combinant font en sorte que les filtres à air sont plus efficaces que la grosseur de leurs trous », ajoute Mme Duchaine.
Néanmoins, dans les blocs opératoires et les salles où se déroulent des procédures, comme l’intubation d’un patient aux soins intensifs, durant lesquelles il y a dégagement d’aérosols, qui sont beaucoup plus volatils que les gouttelettes projetées lorsqu’un patient tousse, on utilise des filtres HEPA, qui permettent de retenir plus de 99,9 % des particules de 0,3 micron et plus, ou bien, on roule avec 100 % d’air neuf [à chaque changement d’air], précise M. Bendavid.
« Les CHSLD, quant à eux, sont souvent beaucoup moins bien ventilés que les hôpitaux, souligne-t-il. Les bons CHSLD auront en moyenne trois changements d’air à l’heure. Dans les anciens CHSLD, on n’envoie de l’air que dans les corridors, pas dans les chambres. L’air est évacué par les toilettes, ce qui crée un flux d’air. S’il n’y a pas assez de climatisation parce que le système est trop faible, on va ajouter des unités en complément, comme des unités de fenêtre », affirme M. Bendavid.
« La ventilation est probablement la dernière chose qui va nous contaminer », résume-t-il.